De la difficulté à estimer le nombre de victimes d’un dysfonctionnement sanitaire
Article lu 16467 fois, depuis sa publication le 21/02/2012 à 18:01:14 (longueur : 3046 caractères)
L’exemple récent, le plus médiatisé, est celui des risques sanitaires présentés par le Mediator, ce médicament mis sur le marché par les laboratoires Servier pour lutter contre la surcharge pondéral dont peuvent être victime les diabétiques et qui a été prescrit par de nombreux médecins comme coupe faim, autrement dit à des non diabétiques qui voulaient simplement maigrir.
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Ce risques aurait, peut- être, pu passer inaperçu si, au lieu de vendre des millions de boîtes de Mediator, Servier n’en avait vendu que des dizaines de milliers aux seuls diabétiques.
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Quoi qu’il en soit, l’estimation du nombre de victimes du Mediator oppose des épidémiologistes aux cliniciens et qui n’ont pas les mêmes méthodes pour évaluer le nombre de victimes.
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Tandis que les épidémiologistes basent leurs estimations sur une analyse de sensibilité, les cliniciens, en l'occurrence des cardiologues analysent des cas concrets d’atteinte aux valves cardiaques, et il se trouve que certain d’entre eux ont fini par incriminer la molécule qui caractérise le Mediator.
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De toute manière, les victimes et, s’il y a lieu leurs ayant droits, qui voudront se faire indemniser à l’occasion du procès à venir, devront apporter la preuve de la relation de cause à effet entre l’absorption du médicament incriminé qui leur a été prescrit et la pathologie dont ils souffrent, soit qu’elle a été la cause du décès dont d'un parent ou d’un proche dont ils réclament indemnisation en justice.
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Le même problème se pose dans d’autres domaines comme la relation entre tous les malades du cancer du poumon et les fumeurs.
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Il faut admettre que tous les malades d'un cancer du poumon ne sont pas des fumeurs et que tous les fumeurs n’auront pas un cancer du poumon.
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En revanche, force est de constater qu’en en moyenne, un fumeur a plus de risques d’avoir un cancer du poumon qu’un non-fumeur, mais il s’agit de moyennes et comme disait Claude Bernard,l]’un des fondateurs de la médecine expérimentale du 19ème siècle « il n’y a pas d’individu moyen ».
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Les chiffres avancés qui servent de support aux campagnes anti-tabac n’ont jamais été contestés.
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D’autres questions, de même nature, toujours d’actualité, sont celle de savoir si les radiofréquences de la téléphonie mobile ou si les lignes de haute tension provoquent des cancers ou des tumeurs cérébrales ou si le vaccin contre l’hépatite B augmente ou non le risque de développer une sclérose en plaques.
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Pour répondre à ces questions, les pouvoirs publics n’ont pas d’autres solutions que de faire appel à l’épidémiologie qui permet de réduire l’incertitude par des tentatives de quantification du risque.
Cependant, elles ne sont pas en mesure d’apporter une réponse univoque à la question posée alors qu’il s’agit de maîtriser un risque que l’on n’arrive justement pas à quantifier.
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De nombreux scientifiques se sont penchés sur la question, en pensant que l’épidémiologie est une science de l’observation qui regarde les problèmes dans la vie réelle, sans avoir la certitude de tout cerner.