Le Monde a fait des océans sa poubelle
Article lu 27120 fois, depuis sa publication le 07/04/2017 à 07:38:17 (longueur : 5195 caractères)
La vie dans les océans est menacée par un trio infernal, dont la responsabilité incombe de différentes manières à l'activité humaine, qui a totalement échappé à son contrôle et que plus rien ne peut arrêter : le manque d'oxygène, l'augmentation de l'acidité et le réchauffement de la température de l'eau.
Ainsi, des kilomètres carrés de déchets qui s'agrègent forment un véritable continent au milieu du Pacifique en tournant dans une ronde sinistre.
Autour du globe, les symptômes s'étalent un peu partout à la surface de l'eau, en de vastes plaques nauséabondes, composées de bancs d'algues ou des milliers de méduses, qui s'en nourrissent flottent en rangs serrés, sans compter les microalgues toxiques.
L'homme ne s'en soucie guère et il se demande encore moins ce qui se passe sous ce tapis mou et peu engageant et encore moins ce qui se passe dans le fin fond des abysses.
Pourtant, le 13 février dernier, la revue Ecology & Evolution a publié une étude aux conclusions alarmistes à cet égard car, comme le reste de notre environnement, les fonds marins sont contaminés par des polluants organiques persistants.
Leur origine se trouve notamment dans des résidus des industries électriques et pétrolières sous la forme de PCB et de PBDE des isolants, absorbés par de petits crustacés de moins d'un centimètre de long, de la famille des amphipodes, vivant dans les vertigineuses fosses sous-marines, par plus de 10 000 mètres de profondeur.
Les chercheurs ont même constaté qu'à des centaines de kilomètres de toute terre habitée, ces petites bêtes présentent des teneurs en PCB cinquante fois plus importantes que les fleuve Liao, l'un des cours d'eau le plus pollués de Chine.
Cette pollution peut s'expliquer grâce aux particules et aux microparticules de plastique et aux substances chimiques qui y pénètrent.
Les sociétés humaines réagissent peu aux catastrophes qu'elles engendrent au loin dans la haute mer, un espace qui n'appartient à aucune d'elle, mais à toute l'humanité, alors que les poissons y meurent sans faire de bruit.
Cependant cette situation impacte les 800 millions de personnes dont la sécurité alimentaire et le revenu dépendent directement de cette manne, en sachant que les produits de la mer apportent un cinquième des protéines animales à plus de 3 milliards d'habitants de la Terre.
Les écosystèmes marins souffrent aussi du manque d'oxygène, l'une des trois calamités qui s'abat sur les océans, qui font que les écosystèmes marins souffrent aussi d'asphyxie, avec le réchauffement de l'eau, provoqués par les changements climatiques.
Force est de constater, notamment sur le continent australien, que les effets du changement climatique risquent d'être plus fulgurants en mer que sur terre.
Ainsi, fin 2016, on a constaté, notamment, que la partie nord de la Grande Barrière de corail, le trésor des eaux australiennes, avait connu une grosse poussée de température, qui a engendré un catastrophique épisode de blanchiment des coraux, au point que 700 km d'entre eux, soit 67 % de la barrière, n'y ont pas survécu.
La nouvelle la plus inquiétante du moment est la raison de cette catastrophe, livrée par Nature le 16 février dernier, constatée par les océanographes du centre de recherches Gomar de l'université de Kiel en Allemagne : l'oxygène dissous dans l'océan a diminué de 2 % entre 1960 et 2010.
Leur étude de synthèse montre que l'élément marin, qui couvre plus des deux tiers de la planète ne connaît pas un déclin uniforme de son oxygène dissout dans l'eau.
L'immense océan Pacifique a perdu le volume d'oxygène le plus important, mais c'est l'Arctique dans l'hémisphère Nord qui est proportionnellement le plus touché, en perdant 7 % de ce gaz vital.
Le phénomène paraît logiquement corrélé à l'élévation de la température de l'eau de surface dans cette partie du monde qui enregistre, année après année, des poussées de température record.
Dans les baies sous pression atrophique, comme celle du Bengale ou dans le golfe du Mexique, où les cours d'eau charrient des quantités d'engrais et autres résidus chimiques, le manque d'oxygène fait fuir ou mourir la faune marine.
En 2003, un rapport des Nations unies estimait le nombre de zones mortes, le long des rives et au milieu des océans, imputable au manque d'oxygène à 150, aujourd'hui on en recense plus de 400 répartis sur une surface de 245 000 km2.
Certaines bactéries se développent dans des zones mortes, en produisent du protoxyde d'azote, un gaz à effet de serre qui contribue à l'acidification de l'eau de mer et qui risque d'être fatal, ennemi du calcaire, à la formation des coquillages des crustacés.
D'autres phénomènes restent inexpliqués comme les 600 dauphins venus, entre le 9 et le 11 février s'échouer sur le littoral de Nouvelle Zélande, alors que le Chili avait vu s'échouer, cette année, sur ses côtes, des milliers de calamars géants, des tonnes de sardines, puis des dizaines de baleines, aussi inexpliquées.
Les raisons de ces phénomènes se situent dans l'évolution de la nature, qui risque de nous soumettre à d'autres mauvaises surprises.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef