Innovation : les entreprises se tournent vers de nouvelles solutions de financement Article lu 23744 fois, depuis sa publication le 06/09/2023 à 15:21:49 (longueur : 9229 caractères)
« Si nous voulons faire de la France une nation verte et souveraine, cela passera par l'industrie. » Cette posture volontaire de Roland Lescure, ministre délégué en charge de l’Industrie a valeur de programme. Mais les entreprises au cœur de l'innovation, notamment celles cotées en bourse, peinent parfois à trouver des financements à hauteur de leurs besoins. Parmi les solutions, les OCABSA retiennent l'attention d'un nombre croissant d'entrepreneurs.
Commençons par une lapalissade : pour se développer et innover, les entreprises françaises ont besoin de financement. Mais voilà, les trois dernières années entre la crise du COVID-19, la crise énergétique, la guerre en Ukraine, l'inflation et la hausse des taux ont été très chaotiques sur les marchés financiers. Résultat, malgré les injonctions de l'État à innover et à favoriser la réindustrialisation du pays, de nombreuses entreprises peinent à réunir les financements suffisants pour leur développement. Certaines sont même persona non grata pour obtenir des prêts bancaires ou pour organiser des levées de fonds auprès d'investisseurs institutionnels et privés. Il leur reste alors quelques options de financement alternatives pour les entreprises cotées comme les OCABSA (obligations convertibles en actions avec bons de souscription d'actions).
Les OCABSA, planche de salut pour les entreprises
Dans l'histoire récente des financements alternatifs, il y a eu des sorties de route notoires, comme celle de l'électronicien français Archos dont l'activité avait plongé en 2011, avant de mettre en place une OCABSA en 2015 puis de signer un partenariat qui a tourné court avec l'entreprise vietnamienne VinSmart en 2019, avant de s'écrouler. Mais il y a aussi des trajectoires positives et vertueuses pour des entreprises contribuant aujourd'hui directement à l'effort de souveraineté industrielle lancé par l'exécutif. Qu'elles aient été en très grande difficulté financière ou qu'elles soient à la recherche de nouveaux financements alors que leur activité n'est pas encore stabilisée, de nombreuses sociétés françaises recourent aux OCABSA. C'est en particulier le cas des biotech qui ont besoin de financer leurs recherches ou encore d'entreprises industrielles en transition, voire sortant de redressement judiciaire, pour lesquelles le Comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF) impose aux banques une mobilisation de fonds propres en multiples des montants prêtés.
Pour des entreprises dans cette dernière situation, relancer la machine et investir dans l'appareil productif peut donc s'avérer extrêmement complexe. Cela a été par exemple le cas d'Europlasma, un des trois fabricants au monde de torches à plasma et spécialiste des traitements des déchets dangereux, placée en redressement judiciaire en 2018 et relancée par une nouvelle équipe en 2019. « Quand nous avons repris Europlasma, se souvient Jérôme Garnache, PDG d'Europlasma, nous savions que, pendant un certain nombre d'années, nous serions dans l'impossibilité de nous financer de manière classique, via des financements bancaires par exemple. Nous savions aussi que, même en étant dans un secteur ayant le vent dans le dos la décarbonation, la dépollution, les certificats CO2, etc. , les fonds d'investissement ayant vocation à financer ce genre d'entreprises allaient eux-mêmes être averses à cette forme de risque. Il faut bien se rendre compte qu'au moment de la reprise, Europlasma était en très mauvaise posture. Si bien que nous n'avons pas eu d'autres options que de nous financer de manière moins classique, grâce aux OCABSA. » Et ça a marché !
La vie des entreprises n'est en effet pas un long fleuve tranquille. Changeons de domaine d'activité : après une introduction en bourse (IPO) en 2014, la société Genomic Vision à la pointe de la biotechnologie et du séquençage ADN a connu des difficultés avant de rebondir et de réunir des fonds, elle aussi, grâce aux OCABSA. Fin juin 2023, elle a même annoncé la troisième tranche d'un montant net de 1,92 million d'euros, dans le cadre de son contrat d'émission signé en avril 2022 avec le groupe financier britannique Winance dirigé par Myriam Alalouche, pour un montant total net de 28,8 millions d'euros. « L'équipe de Winance a compris notre domaine d'activité et nous a donné l'opportunité de lancer les initiatives ambitieuses et de soutenir notre stratégie à long terme, se félicite Dominique Remy-Renou, PDG de Genomic Vision. Nous avons développé avec eux une relation de confiance et de partenariat depuis plusieurs années et nous saluons leur expertise durant toute cette période où ils nous ont soutenu dans nos objectifs de croissance. » Pour ces entrepreneurs, tout est en effet une question de stratégie à long terme et de besoins à court terme.
Des paris réussis pour les entreprises de pointe
Dans le cas d'Europlasma, l'entreprise a eu besoin en urgence de 15 millions d'euros pour honorer une commande signée avec le ministère des Armées, pour la production de corps d'obus de 155mm à destination de l'armée ukrainienne. Soutenue depuis la reprise de l'entreprise par le groupe financier Alpha Blue Ocean (ABO), l'équipe dirigeante a immédiatement trouvé le financement nécessaire. Là aussi, la relation de confiance entre l'entreprise et l'investisseur s'est avérée essentielle à la réussite du projet. « Avec Pierre Vannineuse et Hugo Pingray, les deux cofondateurs d'ABO, nous avons des échanges presque quotidiens sur notre appréhension de l'évolution d'Europlasma, remarque le dirigeant ; si j'ai des besoins particuliers, j'ai des réponses quasiment instantanées. Les OCABSA ont permis d'investir rapidement afin d'honorer des contrats qui étaient déjà signés, soit plus de 15 millions d'euros de chiffre d'affaires alors que l'an dernier, le CA du groupe dans sa globalité était de 14 millions. » Si les OCABSA font parfois peur dans un premier temps aux petits porteurs à cause de risques inhérents de dilution, ce mode de financement démontre son efficacité pour les stratégies des entrepreneurs et permet souvent de passer un cap complexe pour créer in fine de la valeur pour tous les actionnaires.
Dans le domaine de la santé et des technologies de pointe, une autre histoire celle de la société française SuperSonic Imagine est très révélatrice des difficultés de financement et des réussites technologiques permises grâce aux recours aux OCABSA. Après son introduction en bourse en 2014, ce fleuron de l'imagerie médicale en 3D fait face à de graves difficultés financières. En 2017, elle fait alors appel au fonds Kreos Capital pour lancer une campagne en OCABSA, afin de financer ses projets. « Comme prévu dans les modalités définies avec Kreos Capital, nous souscrivons cette deuxième tranche de 6 millions d'euros supplémentaires et renforçons d'autant notre structure financière, explique alors la directrice administrative et financière de SuperSonic Imagine, Elisabeth Winter. Ce financement par OCABSA nous permettra de consolider notre dynamique actuelle par la poursuite de la montée en puissance de notre plan de croissance et constitue une nouvelle étape vers l'atteinte de nos objectifs et notamment l'atteinte du point mort en matière d'EBITDA pour l'exercice 2019. » Résultat, quatre ans plus tard, SuperSonic Imagine a réussi son pari avec le développement de son outil Supersonic Aixplorer Ultrasound System, qui est en concurrence au niveau mondial avec l'Américain Philips Medical Systems ou encore le Chinois Mindray.
En France, ces financements en fonds propres par OCABSA commencent à gagner en notoriété auprès des entrepreneurs. Proposés à la fois par des intermédiaires financiers comme le leader Alpha Blue Ocean (ABO), mais également Nice&Green ou encore Negma, et par des fonds d'investissements tel que Kreos, ils avaient connu un démarrage timide il y a une dizaine d'années avant de trouver leur place à partir de 2015. « Près d'une dizaine d'opérations de ce type se sont déroulées depuis l'été 2014, alors qu'elles se comptaient sur les doigts d'une main ces dernières années, remarquait dès 2015 Didier Duhem, PDG de la société de conseil en investissement Europe Offering. Les entreprises françaises semblent découvrir les vertus de cet outil. » Si, une fois relancées, ces entreprises poursuivent toutes le même but générer suffisamment de trésorerie afin de sortir des OCABSA , elles savent aussi que sans ce modèle de financement, elles auraient mis la clé sous la porte depuis longtemps. Avec pertes et fracas.
|
Sommaires
de RiskAssur-hebdo
Pour vous abonner
au magazine RiskAssur-hebdo
cliquez ICI
17/07/2025 à 10:49:33 Numéro 846 de RiskAssur-hebdo du vendredi 18 juillet 2025 Edito
- Après l'échec du conclave sur les retraites : risque de censure du gouvernement (Erik Kauf)
Commentaire
- La réforme de l'audiovisuel public présentée par Rachida Dati a été rejetée par les députés (Erik Kauf)
Tribunes
- La mafia des... 10/07/2025 à 10:52:02Numéro 845 de RiskAssur-hebdo du vendredi 11 juillet 2025 Edito
- Climat : la France échoue à réduire ses émissions au premier semestre 2025 (Erik Kauf)
Commentaire
- L'Assurance maladie sommée de faire 3,9 milliards d'économies en 2026 : les pistes sur la table (Erik Kauf)
Enquêtes
- Vacances en c...
|
Plus
de titres
A la une
1128 lectures - publié le, 21/07/2025 à 08:09:43
1097 lectures - publié le, 21/07/2025 à 07:52:13
1155 lectures - publié le, 21/07/2025 à 07:36:38
1510 lectures - publié le, 18/07/2025 à 07:25:43
1754 lectures - publié le, 18/07/2025 à 07:10:20
|
|
|