Pour lutter contre le changement climatique instaurons un prix plancher du carbone
Article lu 31609 fois, depuis sa publication le 27/05/2016 à 07:39:12 (longueur : 5207 caractères)
La proposition vient de François Hollande qui, en ouverture de la quatrième conférence environnementale organisée en France, a proposé la mise en place d'un prix plancher européen du carbone, et ce pour commencer en France.
La France devrait mettre en oeuvre chez elle, dès cette année ce dispositif, espérant ainsi entraîner d'autres pays, a affirmé le président de la République, sans toutefois annoncer, dans cette enceinte le montant qu'il souhaite voir appliquer.
Plus concrètement, il s'agit de taxer l'utilisation des énergies fossiles, le charbon en tête pour en encourager la sortie, mais aussi du pétrole et du gaz, le tout pour la production d'électricité, la principale émettrice industrielle de gaz à effet de serre.
Pour ce qui est de l'utilisation du charbon, citons à titre d'exemple l'Allemagne qui, depuis la fermeture de la moitié de son parc nucléaire, produit 40 % de l'électricité consommée dans le pays, grâce au charbon, et notamment des lignites, du charbon brun, qu'elle dispose en grande quantité sur son sol, ce qui en fait l'un des plus grands pays pollueurs européens, sinon le premier.
C'est le prix à payer pour sortir avec précipitation du nucléaire.
L'annonce de François Hollande a été immédiatement critiquée par des ONG participant à la conférence, qui doutent de la capacité du gouvernement français à mettre en place une véritable transition écologique et énergétique, alors que pour le chef de l'Etat, ce prix du carbone permettra de changer les comportements.
Pour réduire, voire supprimer le recours au charbon dans les centrales thermiques, productrices d'électricité, la valeur actuelle de la tonne de CO2, sur le marché européen n'est pas suffisamment élevée, avec quelque 5 à 6 euros seulement la tonne.
La France devrait tabler sur un prix plancher d'environ 30 euros la tonne de CO2, proposé par la Fondation Nicolas-Hulot, pour compenser aujourd'hui le différentiel entre la production d'un KWh avec du charbon ou avec du gaz naturel.
C'est aussi, selon le ministère de l'environnement, le prix à payer pour réduire, voire pour sortir du charbon.
Ce prix pourrait être inscrit dans le cadre du prochain projet de loi de finance, ou dans le projet de loi de finances rectificatives, avant la fin de 2016, pour une mise en oeuvre dès 2017.
Il faut savoir que cinq centrales sont encore alimentées au charbon en France, exploitées par EDF et E.ON France.
Selon le ministère de l'environnement, ces cinq centrales fonctionnent actuellement en moyenne 4 000 heures par an, contre 1 700 heures pour les centrales à gaz.
Il s'agirait de réduire à 200 heures le fonctionnement des centrales à charbon et à 500 heures celui des centrales au gaz.
Ce plan de fonctionnement permettrait d'économiser environ 12 millions de tonnes de CO2 par an, soit près de la moitié des émissions annuelles du secteur électrique français, à condition de ne pas compromettre l'approvisionnement en électricité du pays.
Pour le directeur de WWF France, Pascal Canfin, le renchérissement du prix du carbone, donne aussi un coup de pouce au nucléaire français, ce qui, cependant, ne doit pas, selon lui d'empêcher de mettre un prix au carbone, le problème du nucléaire restant son coût et le risque qu'il présente, dont il faut tenir compte, par ailleurs.
Le système proposé par François Hollande ressemble à celui instauré en Grande-Bretagne, les Anglais ont mis en place en 2013 une taxe différentielle, payée uniquement par les électriciens et quand le prix de la tonne de CO2 du marché européen est inférieur au prix décidé par le gouvernement, les producteurs d'électricité paient la différence.
Ainsi, si la valeur de la tonne de CO2 est établie à 30 euros et qu'elle n'est que de 5 euros sur le marché européen, l'électricien devra la différence, soit 25 euros la tonne, en plus des 5 euros payés par ailleurs.
Ce prix plancher ne sera pas d'une grande portée en France, qui a déjà fermé la plupart de ses centrales au charbon. Ce qui n'est pas le cas en Angleterre où les 12 centrales fournissent environ un tiers de l'électricité du pays, mais elles devraient fermer d'ici 2025.
Parallèlement au prix plancher du carbone pour l'électricité carbonée, François Hollande a déclaré que la France entendait activer la réforme du marché des quotas, en proposant notamment la mise en oeuvre d'un corridor de prix sur le marché européen, avec l'idée de fixer un plancher et un plafond.
Aujourd'hui le prix peu élevé de la tonne de CO2, n'incite pas les énergéticiens à sortir du charbon, le marché n'étant pas opérant avec un prix de 5 euros la tonne.
Il est même contre-productif sans perspective de remontée des prix à un niveau significatif à court ou à moyen terme et n'incite pas les industriels à investir dans des installations décartonnées.
Rappelons que le marché européen du carbone, mis en place en 2005 dans le cadre du protocole de Kyoto, concerne plus de 12 000 grands sites européens dont 1 100 sites en France, responsables d'environ 50 % des émissions de CO 2 du fait de la production d'électricité de ciment d'acier et de papier, notamment.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef