Crédit immobilier : Sortir l'assurance emprunteur du TAEG pour éviter l'effet ciseaux
Article lu 42781 fois, depuis sa publication le 25/07/2022 à 08:50:44 (longueur : 4658 caractères)
Depuis quelques mois, le taux d'usure est au cœur des débats entre les banques, les courtiers et l'Etat. La remontée soudaine des taux d'intérêt ces derniers mois a entrainé l'effet ciseaux tant redouté, privant ainsi de nombreux emprunteurs pourtant solvables de l'accès au crédit.
Mais, si les courtiers ont été les premiers à alerter le gouvernement, il n'en reste pas moins qu'encore une fois ce sont les consommateurs, et notamment les plus modestes, qui sont touchés de plein fouet.
Selon certains courtiers, en ce mois de Juillet près d'un dossier sur deux serait bloqué au motif de dépasser le taux d'usure… Sans intervention de l'Etat, il y a fort à craindre que la situation perdure des mois durant jusqu'à la stabilisation des taux d'intérêt. Découvrez le décryptage d'Emilie RUBEN, porte-parole de SECURIMUT.
Qu'est-ce que le taux d'usure et l'effet ciseaux ?
Le taux d'usure c'est le taux maximum que les banques ne peuvent pas dépasser pour octroyer un crédit. Il vise à protéger l'emprunteur des taux excessifs qui pourraient lui être proposés.
On parle du taux d'usure mais il y en a en fait plusieurs, en fonction de la nature et de la durée du crédit. Ils sont fixés par la Banque de France qui les met à jour tous les trois mois à partir des TAEG moyens observés au cours du trimestre précédent.
Un « effet ciseaux » peut survenir lorsque les taux augmentent rapidement, ce qui est le cas depuis le début d'année. Comme le taux d'usure est calculé sur la base d'une moyenne des taux précédents, un décalage de « timing » se produit et le TAEG peut rapidement rattraper le taux d'usure. L’écart entre le taux nominal (ou taux d’intérêt) et le taux d’usure devient très faible, ce qui laisse peu de place pour l’intégration des autres frais liés au crédit comme l’assurance emprunteur, les frais de dossiers et les frais de garanties. En conséquence, l'accès au crédit se restreint jusqu'à ce que les taux d'intérêt se stabilisent et que les taux d'usure remontent.
Comment contourner le piège du taux d'usure ?
Les banques peuvent jouer sur plusieurs leviers pour diminuer les autres coûts du crédit : baisser les frais de dossiers, proposer une caution plutôt qu'une hypothèque ou jouer sur l'assurance emprunteur.
La délégation d'assurance emprunteur, c'est-à-dire la souscription d'un contrat auprès d'un assureur externe, est le meilleur moyen de faire passer un dossier sous le taux d'usure. En effet, à garanties équivalentes, les assurances externes sont en moyenne deux fois moins chères que les assurances bancaires standards (dites « assurance groupe »).
Toutefois, ces solutions ont leurs limites et la délégation d'assurance emprunteur ne suffit pas toujours pour repasser sous le seuil de l'usure. C'est pourquoi, de plus en plus d'emprunteurs se retrouvent privés de crédit, sans solution à court terme.
Sortir l'assurance emprunteur du TAEG comme solution au taux d'usure
Dans la conjoncture actuelle, on peut se demander si le TAEG et le taux d'usure restent réellement pertinents pour les emprunteurs et s'il ne serait pas utile de modifier ces indicateurs.
Le TAEG a été initialement conçu pour faciliter la comparaison entre les offres de prêt, en regroupant tous les frais liés au crédit. Cependant, depuis quelques années, dans le contexte de taux nominal très bas, les banques ont commencé à sortir certains frais du calcul de cet indicateur afin d'afficher un TAEG plus compétitif. C'est notamment le cas de l'assurance emprunteur.
Les banques dissocient le coût de la part « obligatoire » et celui de la part « facultative » de l'assurance de prêt qu'elles proposent, ce qui leur permet de sortir du calcul du TAEG la moitié -voire plus - du coût total de leur assurance emprunteur.
De fait, le TAEG ne permet plus de comparer efficacement les offres de crédit et peut même induire les emprunteurs à s'orienter vers une offre de prêt pourtant plus onéreuse. Qui plus est, en faisant baisser ainsi artificiellement le TAEG, les banques ont accéléré le phénomène d'érosion du taux d'usure et l'effet ciseaux qui en découle, comme le dénonçait déjà SECURIMUT en mai 2021.
Pour résoudre le problème d'accès au crédit lié au taux d'usure, sortir l'assurance emprunteur du TAEG pourrait être une solution pertinente… Reste à convaincre Bercy.