Le moment est venu de mettre fin à l'excision
Article lu 29107 fois, depuis sa publication le 24/03/2017 à 07:32:43 (longueur : 4990 caractères)
Selon l'Institut d'études démographique 53 000 femmes excisées vivraient actuellement en France, alors que nous sommes au 21ème siècle. Trois adolescentes sur dix, dont les parents sont originaires de pays pratiquant traditionnellement l'excision, sont menacées de l'être et toutes n'y échapperont pas, si rien n'est fait.
C'est intolérable sur le territoire national, alors comment faire pour s'y opposer et l'empêcher ?
Nous nous devions de traiter ce sujet dans RiskAssur, à l'occasion de la Journée mondiale de la femme et lors du lancement par Laurence Rossignol, la ministre des droits de la femme de la campagne d'information et de mise en garde.
Pour Laurence Rossignol « Aucune coutume de ce genre, aussi enracinée soit elle, ne peut être tolérée ».
Elle ajoute : « C'est une mise en cause de l'intégrité physique et de la santé psychique, ainsi qu'un moyen de perpétuer la domination des hommes sur les femmes par la violence »
Les victimes de cette tradition sont principalement originaires d'Afrique, mais pas seulement, on peut citer l'Egypte, le Soudan, la Somalie, le Mali, la Mauritanie, le Sénégal et bien d'autres en Afrique, puis ailleurs, l'excision est aussi très pratiquée en Indonésie, en Malaisie et en Inde, au Pérou ou en Colombie, au point que 140 millions de femmes dans le monde ont subi ce type de mutilation sexuelle, pour subir, dans certaines sociétés où elle reste de tradition, la domination de l'homme.
Ce qui est incompréhensible, c'est que des mères y soumettent encore volontairement leurs filles chez nous, notamment en organisant des « départs en vacances » dans leur pays d'origine, car en France, cette pratique est punie par la loi, avec des sanctions pouvant aller jusqu'à 20 ans de prison, en cas de décès, ce qui en rend cette pratique risquée, mais allez savoir ce qui se pratique dans nos villes, dans les arrières cours.
Citons Moka Sauvage, présidente du Collectif Excision, parlons-en : « Les conséquences sont lourdes, douleurs, hémorragies, infections, problèmes urinaires, diminution du plaisir sexuel, complications obstétricales, conséquences psychologiques ».
Elle ajoute « Beaucoup de familles ont pris conscience du danger que représente l'excision » mais il en reste d'autres, de par le monde, qu'il reste à en convaincre.
Pour Isabelle Gilette-Faye, directrice du Groupe Pour l'abolition des mutilations sexuelles et du mariage forcé, « le clitoris est un organe qui sert au plaisir, si on coupe une partie, c'est pour empêcher les femmes d'en avoir ».
Si aujourd'hui, la campagne de prévention s'adresse aux adolescentes, c'est que les pratiques ont changé, toujours selon Isabelle Gilette-Faye « Jusqu'au début des années 2000, les petites filles âgées de moins de 6 ans étaient généralement concernées, depuis les parents attendent de plus en plus qu'elles grandissent ».
On cite à titre d'exemple, Aminata, aujourd'hui âgée de 36 ans qui n'a appris son excision qu'il y a sept ans.
Elle avait été excisée à 4 ans, à l'occasion d'un voyage au Mali, le pays d'origine de ses parents et se souvient seulement de son retour en France, où elle a été rapatriée après avoir subi une hémorragie.
C'est la surveillance des jeunes enfants effectuée par les médecins des services de la protection maternelle et infantile, où ces familles sont suivies, ce qui explique cette évolution, d'autant plus que ces services savent sur qui et en quelle direction porter leur attention.
Cependant, tout change quand la question du mariage commence à se poser, car ça reste un problème de génération, qu'il faut résoudre maintenant, sans attendre, 20 ans, l'extinction de la dernière génération à le pratiquer.
Aujourd'hui encore, c'est une pression familiale très forte, faisant intervenir à côté des parents, les grands-parents et, parfois la future belle-famille, contre laquelle il faut défendre les adolescentes, contre le risque de se faire exciser, pour respecter les coutumes ancestrales, que l'on ressort encore.
La première campagne de prévention à destination des adolescentes de 12 à 18 ans, vient d'être lancée par le réseau associatif « Excision, parlons-en » en les incitant à résister à la pression familiale, ou à leur entourage, elle devait se produire.
Elle s'appuie sur un site Alerte-excision.fr, qui permet aux adolescentes de s'informer et d'évaluer le niveau de risque résultant de leur entourage familial, voire du cercle d'amis.
La campagne sera diffusée sur les réseaux sociaux et des collégiens et des lycées d'Ile de France seront leurs ambassadeurs.
Elle rappelle aux adolescentes qu'il faut être fortes, que leurs parents les aimeront même s'ils disent non à l'excision, ce sont leurs coutumes à eux, qu'il faut respecter, car ils n'ont rien connu d'autres, mais il faut dire, pas moi, pas mes soeurs, pas mes cousines.
C'est un challenge qui est à la portée de la génération d'aujourd'hui.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef