Complexité, systèmes et risques par Pr Jean-Paul Louisot

« Les imbéciles ignorent la complexité. Les pragmatistes en souffrent. Certains peuvent l'éviter. Les génies la transpercent. » (Alan Perlis)

Le thème du rapprochement de la complexité et des risques a déjà été évoqué dans RiskAssur en 2019 mais l'enchainement des événements depuis plus de trois ans est tel qu'il est devenu encore plus d'actualité si on prend en compte les turbulences que le monde vient de vivre de la pandémie de Covid 19 à la guerre en Ukraine sans oublier la concrétisation des menaces qui pèsent sur le monde du fait de la dérive climatique qui se confirme.

Au 17ème siècle, l'interprétation mécaniste du monde d'Isaac Newton joint à la démarche de calcul des probabilités amorcée par Pascal et Fermat a permis d'établir des prévisions fiables avec un degré de précision jamais vu auparavant. Cela a contribué à alimenter la révolution industrielle et, avec elle, la structure acceptée des organismes. Les entreprises étaient considérées comme des machines qui pouvaient être modifiées et huilées pour fonctionner plus rapidement et produire plus. Comme les tâches répétitives des salariés devenaient de plus en plus spécialisées, les services internes comprenaient moins ce que les autres faisaient. Ce sont les premiers exemples de structures organisationnelles cloisonnées qui entravent encore aujourd'hui la circulation de l'information sur les risques.

Les organismes et les environnements dans lesquels ils se développent ont changé de façon considérable depuis l'ère mécaniste, et le monde est maintenant considéré comme une construction composée de nombreux systèmes complexes. Les événements actuels et récents déjà évoques, et une récession imminente, ont servi à le démontrer davantage.

Les organismes modernes étant aujourd'hui l'incarnation de systèmes complexes, l'approche de gestion des risques doit connaitre elle aussi une révolution. Pour emprunter à Newton, pour voir plus loin, le monde doit tenir sur les épaules des géants et passer à la prochaine étape de son évolution.

En effet, la gestion traditionnelle des risques a grandi à l'ère industrielle et doit s'adapter à l'ère postindustrielle dans laquelle le monde est entré. C'est dans ce contexte que Warren Black explique que le monde hyper-connecté d'aujourd'hui nécessite une nouvelle approche reposant sur la théorie de la complexité.

Il y a près d'une décennie, Warren Black a quitté Deloitte à Brisbane, en Australie, pour travailler sur un mégaprojet d'infrastructure à proximité avec British Gas. Le programme QCLNG de l'entreprise était de 27,5 milliards de dollars, une initiative visant à propulser l'entreprise dans le secteur du forage et de l'extraction de l'industrie énergétique. Jusque-là, British Gas était avant tout une entreprise de transport et de transport, de sorte qu'elle avait peu d'expérience directe de la réalisation d'un tel projet – ou de la gestion d'un mégaprojet de cette envergure.

Warren avait environ dix ans de carrière en gestion des risques, alors il a accepté le défi. Il a convenu d'élaborer un cadre intégré de rapport sur le rendement et les risques dans de nombreux domaines de contrôle de projet, superviser les performances et les mesures de risque du projet et veiller à ce que les normes de risque et d'assurance du projet de British Gas soient appliquées de manière cohérente dans l'ensemble du cadre de contrôle du programme.
Quelques mois après le début du projet, Black et son équipe ont réalisé que les normes de British Gas n'étaient pas conçues pour des environnements complexes et très agiles et il indiqua : « Il n'y avait rien de mal avec les normes, mais elles étaient issues d'un environnement d'ingénierie de style conventionnel et ne correspondaient pas à une grande partie de la complexité contextuelle que nous voyions dans le projet. »

C'est à cette époque que Black a commencé à collaborer avec l'Université de technologie du Queensland (QUT), qui était en train de mettre en place un exécutive MBA.

Non seulement beaucoup d'argent été consacré à la recherche en raison de l'essor du secteur pétrolier et gazier dans la région, mais des projets complexes ont été mis de l'avant. Black a commencé à travailler avec l'école pour développer certains concepts autour de la complexité qu'il connaissait sur le projet QCLNG. Six mois plus tard, British Gas a commencé à éprouver des contraintes financières sur son programme QCLNG et à restructurer ses …

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