Actualité, information des Risques, des Assurances et de la Finance. nominations, produits nouveaux, résultats, classements, accords, acquisitions, cessions, partenariats, implantations, points de vue, conjoncture, ... RiskAssur : votre magazine professionnel des risques et des assurances depuis 1994
Faits point accords acquisitions nominations
nouveautés organisation indices Resultats Agenda
Abonnement Privilège Abonnement magazine mag. anciens numéros Commentaires mentions légales
PèreLaFouine Notre-Siècle Terre-Futur.com
Il y a, actuellement, 108 internautes qui consultent des articles, 92 107 pages lues aujourd'hui (depuis minuit)


Essayer RiskAssur PRIVILEGE pour seulement 15 euros,
vous donnant acces a l integralite des archives (plus de 35 000 articles) : cliquez ICI




L'éternel refus de l'indemnisation du préjudice moral en matière d'expropriation

Article lu 14792 fois, depuis sa publication le 18/04/2011 à 09:41:25 (longueur : 6271 caractères)


Par un arrêt en date du 16 mars 2011 la troisième chambre civile de la cour de cassation vient de rappeler l'impossibilité d'obtenir la réparation du préjudice moral lorsqu'une personne a été expropriée de son bien.
#
L'expropriation est une procédure qui permet à une personne publique de contraindre une personne privée à lui céder un bien immobilier, ou des droits réels immobiliers dans un but d'utilité publique.
#
En droit français l'expropriation est inscrite dans le « marbre » depuis 1789 et la Déclaration des droits de l'Homme.
#
En effet, si l'article 17 de ladite déclaration dispose que la propriété est un droit inviolable et sacré et que nul ne peut en être privé, celui-ci se poursuit en mentionnant une exception, « lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».
#
L'article 545 du Code civil reprend l'idée : « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
#
La décision de l'espèce précise une nouvelle fois ce sur quoi peut porter l'indemnité liée à l'expropriation. Ainsi l'indemnisation du préjudice matériel est encore rappelée (I), tandis que l'indemnisation du préjudice moral reste impossible (II).
#
I/ L'indemnisation obligatoire du préjudice matériel
#
Avant de voir l'indemnisation du préjudice matériel lié à l'opération d'expropriation, il convient de rappeler la première condition exigée en la matière : l'existence d'une utilité publique relative au projet voulu par l'administration.
#
Cette notion est examinée au cas par cas par les juridictions administratives, les juges ayant néanmoins tendance à assimiler utilité publique et intérêt général.
#
L'article R11-2 du Code de l'expropriation prévoit une liste non limitative de projets revêtant automatiquement une utilité publique.
#
Ainsi, une opération purement privée ayant pour unique but de dégager un profit sans rendre service à la collectivité se verrait refuser le caractère d'utilité publique.
#
Ensuite, l'administration doit verser à la personne expropriée une indemnité « juste et préalable ». L'article L13-14 du Code de l'expropriation prévoit que le montant de l'indemnité s'évalue « d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ».
#
En l'espèce, la Cour de cassation admet l'indemnisation du trouble causé dans les conditions de vie par l'expropriation dès lors qu'il constitue un dommage matériel.
#
Or, l'avocat du couple exproprié mentionne la longue présence du couple dans les lieux (30 ans), ainsi que l'âge et le handicap des personnes. Ces observations reviennent pour la haute juridiction à demander une indemnisation sur la base d'un préjudice moral, ce qu'elle se refuse à accorder.
#
Il est néanmoins intéressant de remarquer que la Cour de cassation a une approche du préjudice matériel plus souple qu'il n'y paraît.
#
En effet, le trouble dans les conditions de vie constitue bien davantage un préjudice moral que matériel ! Pour autant les juges acceptent d'indemniser ce type de préjudice et ne refusent que l'indemnisation d'un préjudice exclusivement moral.
#
Difficile néanmoins pour l'heure d'y voir un quelconque infléchissement de la jurisprudence en raison du caractère factuel de l'affirmation.
#
II/ L'indemnisation impossible du préjudice moral
#
Le refus de réparer le préjudice moral en matière d'expropriation est une constante en droit français qui s'appuie sur l'article L13-13 du Code de l'expropriation qui dispose que les indemnités allouées couvrent « l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ».
#
Cette disposition a été interprétée strictement par les tribunaux qui excluent ainsi toute indemnisation du préjudice moral en la matière (v. par exemple Civ. 3eme 30 mai 1972, Bull. civ. III n° 355).
#
Dans un premier temps les plaideurs ont soulevé l'inconstitutionnalité de cette position sur la base de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme qui ne se prononce pas sur l'étendue de l'indemnisation concernant l'expropriation.
#
Dans sa décision du 21 janvier 2011 le Conseil constitutionnel, saisi sur la base d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a considéré « qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que la collectivité expropriante, poursuivant un but d'utilité publique, soit tenue de réparer la douleur morale éprouvée par le propriétaire à raison de la perte des biens expropriés ».
#
Dans le cas d'espèce les demandeurs se sont fondés sur l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme qui rappelle que la privation de la propriété ne peut intervenir que pour cause d'utilité publique, et conformément à la loi et aux principes généraux du droit international.
#
A cet égard la Cour européenne a récemment eu l'occasion d'affirmer que l'article « n'exige qu'une indemnisation raisonnablement en rapport avec la valeur des biens expropriés » (CEDH 4 nov. 2010, Dervaux).
#
La Cour de cassation reprend les termes de cette jurisprudence en vue de retenir l'absence d'inconventionnalité du refus d'indemniser tout préjudice moral.
#
Voilà sans doute le principal enseignement de la décision. La Cour de cassation, qui est tant juge de la légalité (application de la loi) que de la conventionnalité (application de la norme européenne), estime que le refus d'indemniser le préjudice moral résultant d'une expropriation n'est pas contraire aux normes européennes.
#
Or, la Cour européenne ne s'est jamais prononcée sur le point de savoir si une expropriation pouvait entraîner une indemnisation du préjudice moral, la question ne lui ayant pas été posée.
#
Dans ces conditions l'affirmation de la haute juridiction pourrait se heurter aux juges européens, et cela d'autant plus facilement que l'expropriation constitue l'un des derniers bastions au sein duquel toute indemnisation du préjudice moral est exclue ! (v. pour aller plus loin R. Hostiou, L'indemnité d'expropriation est-elle juste ? AJDA 2011, 447.)
#
Arnaud Delomel

élève avocat à l’EDAGO

master 2 droit privé général parcours droit pénal



Cliquer ICI pour lire d’autres articles
de la rubrique Points de vue








Sommaires de RiskAssur-hebdo


Pour vous abonner
au magazine RiskAssur-hebdo
cliquez ICI

02/05/2024 à 11:20:31
Numéro 792 de RiskAssur-hebdo du vendredi 3 mai 2024
Edito - Notre réseau électrique doit être adapté aux besoins du monde de demain (Erik Kauf) Etude - La fin de l'illusion de la fin de l'histoire et le nouveau paysage des risques (Pr Jean-Paul Louisot) Commentaire - L'industrie de défense fr...

25/04/2024 à 10:56:06
Numéro 791 de RiskAssur-hebdo du vendredi 26 avril 2024
Edito - Le pacte migratoire vient d'être approuvé par le Parlement européen (Erik Kauf) Etude - Définir l'appétence et la tolérance au risque (Pr Jean-Paul Louisot) Commentaire - En projet : prolongation de l'Aqua Domitia jusqu'aux Pyrénées-...

Plus de titres


A la une
1372 lectures - publié le, 03/05/2024 à 07:56:09 - réservé aux abonnés

1261 lectures - publié le, 03/05/2024 à 07:28:44 - réservé aux abonnés

4293 lectures - publié le, 03/05/2024 à 07:19:28 - réservé aux abonnés

1547 lectures - publié le, 03/05/2024 à 07:05:35 - réservé aux abonnés

1303 lectures - publié le, 02/05/2024 à 14:44:30 - gratuit



© 2000/2024 par FRANOL Services - riskassur™ est une marque déposée par FRANOL Services / ISSN 1632-3106
Numéro de dépôt 702978 CNIL fait le 1 février 2001
en application de l'article 16 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
RiskAssur et RiskAssur-hebdo sont des éditions de FRANOL Services - Immeuble Val de Loire - 4 passage de la Râpe - 45000 Orléans - tel :02 38 21 30 88
RCS Orléans 339 587 768 - SARL de 7 622,45 € - Gérant : Olivier Kauf
- données légales