Terre(s) de risques (Pr Jean-Paul Louisot)

« Vous avez pris racine en terre comme le grain caché dans l'herbe qui sent que la vie le soulève et qu'il va devenir une moisson.» (Alfred de Musset)

Peut être faut-il citer en introduction du résumé de ces 30èmes Rencontres, l'éditorial du Président de l'AMRAE Oliver Wild : « Aujourd'hui, à maints égards, la planète se retrouve morcelée, divisée. Nous avons perdu de vue son unicité, créant des terres de risques à force d'ignorer ses fragilités, ses ressources comptées, pour avoir raisonné en toujours plus de mondialisation sans préserver la richesse du local, ni le bien commun.
Face aux risques systémiques peu assurables, face aux réductions des capacités d'assurance même sur les risques préexistants, la vision de l'Amrae a été juste et lucide comme le démontrent les faits : l'approche globale des Risques au cœur de la gouvernance des entreprises qu'elle prône, monte en puissance inexorablement, tout en conférant un rôle renforcé au risk manager.

Une transition audacieuse s'impose, pour un modèle plus vertueux, pour transformer les Terres de risques en Terres des possibles. Les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans cette transition et la gestion des risques pourra le leur permettre. »

Clairement, depuis la fin des Rencontres 2022, le risque émergent qui n'était qu'une hypothèse qui paraissait folle et quasi impossible qui s'est matérialisé seulement trois semaines après que les délégués se soient dispersés est la guerre au cœur de l'Europe : en effet, début février 2022 les beaux esprits ne pensaient pas que Poutine oserait. Hé bien, il a osé et entrainé le monde dans une volatilité inconnue depuis pratiquement quatre-vingts ans, à telle enseigne qu'aujourd'hui certains s'interrogent sur le début de la troisième guerre mondiale, une guerre dans laquelle les états attachés à la démocratie semblent bien minoritaire.

Avec le retour dramatique de la guerre aux portes de l'Europe et la persistance de tensions majeures dans le reste du monde, la géostratégie s'impose a? la société et a? l'économie. Les états, déjà? si impliqués lors de la pandémie, sont aujourd'hui très sollicités et omniprésents. Ils doivent composer avec une inflation galopante qu'il faut maitriser sans provoquer une récession. L'énergie transmuée en arme échappe a? la logique de marche?, mettant en péril les entreprises, créant le désarroi des dirigeants, attisant le risque social et bouleversant le calendrier des mesures en faveur de l'environnement. Cependant, face aux géants économiques mondiaux qui avaient pris le pouvoir, les états ont-ils une opportunité pour reprendre la direction du jeu ?

Mais alors, se pourrait-il que le 21ème siècle devienne celui des dictatures et autres formes d'autoritarisme encouragées et facilitées par le développement même du métavers dans lequel les pires prévisions de George Orwell dans 1984 deviennent cruellement matérielles : « Le pouvoir est d'infliger des souffrances et des humiliations. Le pouvoir est de déchirer l'esprit humain en morceaux que l'on rassemble ensuite sous de nouvelles formes que l'on a choisies. »

La participation aux Rencontres a dépassé les sommets de l'avant Covid et ce sont plus de 3300 participants : seraient-ils venus se faire bronzer sur les planches effectivement ensoleillées en ce mois de février ? Ils auraient eu bien tort car les contenus des débats ont touché toute la panoplie des principales menaces, mais aussi des opportunités auxquelles les organismes de toute nature sont confrontés. Bien entendu, la question des captives a tenu une place centrale alors que la sous-direction des assurances s'étaient déplacée en masse pour défendre et expliquer la nouvelle ouverture qui devrait permettre la domiciliation en France de captives mais de réassurance seulement, monoparentale et fermée.

Face a? une Terre divisée et fragilisée, ou? les hommes demeurent la principale force de changement, tous les dirigeants et experts réunis à Deauville ont essayé de décrypter les traits d'un modèle plus vertueux pour transformer les Terres de Risques en Terres des possibles, c'est-à-dire en Terres où les menaces sont contenues pour mieux favoriser les opportunité. Ont-ils véritablement entamé une révolution tranquille, indiqué le chemin vers un monde plus équitable et plus sage pour sauver a vie de l'espèce humaine ?

Pour reprendre les mots d'introduction aux Rencontres du risk-management du président de l'AMRAE : « Je vous propose donc encore cette année des Rencontres ancrées dans le réel, des Rencontres non … pour refaire le monde, mais pour saisir l'état du monde dans lequel évoluent nos entreprises, et de renforcer collectivement la résilience.
Des Rencontres, enfin, où inflation, climat, crise énergétique, meilleure anticipation du risque, meilleur partage du risque, seront abordés … en conscience…des impacts … toujours en refusant l'inaction. Avançons, Avançons donc tous ensemble, et saisissons les opportunités. Avançons ensemble sur les terres des possibles et pour ce voyage, je souhaiterai que nous redevenions ‘Terrestres'. Redevenir terrestre c'est revenir les pieds sur terre. »

Et la résilience sociétale, organisationnelle, et individuelle est donc au cœur de la mission des professionnels de la gestion des risques ; ils doivent donc envisager l'avenir, être réaliste même dans le métavers, accepter l'environnement comme il est quand il ne peut pas être changé, et enfin changer ce qui peut l'être pour saisir les opportunités et contenir les menaces.

« L’immortalité de l’homme sur Terre entraînera la fin de la planète, et donc la fin de toute vie. L’homme ne peut donc être immortel dans sa forme charnelle. » (Gaël Crutzen)
Forum mondial : Les risques sont connus, quelles sont les solutions à dire d'experts ?
« Retenir la technologie pour protéger des modèles d'affaires, c'est comme permettre aux forgerons d'opposer leur veto au moteur à combustion interne afin de protéger leurs fers à cheval.. » (Don Tapscott)

Comme chaque année, l'ombre de Davos planait sur les Rencontres et il est donc intéressant de rendre compte des discussions du Forum Mondial avant de revoir les débats de Deauville. Nous sommes à court de mots pour décrire ce qui se passe dans le monde aujourd'hui, alors cette édition du Rapport sur les risques mondiaux a utilisé une nouvelle version, « polycrisis » ou multi-crise en français. C'est une situation où différents risques entrent en collision et où leur interdépendance est fortement ressentie.

L'atténuation …

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