Le rôle croissant de l'économie souterraine
Article lu 12709 fois, depuis sa publication le 17/01/2014 à 07:39:32 (longueur : 4377 caractères)
La crise économique favorise, sans la justifier, l'économie souterraine, qui consiste à exercer une activité commerciale, libérale ou artisanale en marge de la légalité, en se soustrayant aux obligations légales et réglementaires qui la régissent ou tout simplement en ne versant pas les charges fiscales et sociales du travail non déclaré.
Elle est coutumière dans certains types d'activités et se résume souvent à faire travailler du personnel au « noir », sans le déclarer à l'Urssaf, ou à travailler soi-même au « noir », pour faire quelques heures de ménage, des travaux de peinture ou encore à donner des cours à des élèves en difficulté.
En France, le gouvernement a tout fait pour décourager les particuliers à faire travailler du personnel au « noir », en instaurant à leur profit des déductions fiscales, des niches fiscales, aujourd'hui dans le collimateur des chasseurs de recettes fiscales et en faveur des régimes sociaux.
Certains pays du Sud de l'Europe avaient laisser prospérer par tradition - une économie souterraine, représentant une partie significative de leur PIB, ce qui aurait pu leur être été fatale, au pire de la crise bancaire et financière, sans leur appartenance au « club » de la monnaie unique (l'euro), dont les autres membres ne pouvaient pas faire autrement que de voler à leur secours.
Il est difficile de faire remonter la pente à un pays comme la Grèce où des pans entiers de son économie fonctionnaient en marge des obligations légales, sans reverser la TVA et sans payer le moindre impôt sur le revenu.
En Espagne, avec un taux de chômage de plus de 25 % de la population active, la solidarité familiale permet à de nombreux chômeurs de survivre, mais c'est surtout l'économie souterraine qui joue le rôle d'amortisseur, en représentant, selon les estimations, entre 20% et 25 % du PIB espagnol.
Cependant, la question est taboue en Espagne, comme si en parler revenait à nier le drame, bien réel du chômage massif.
Cependant, l'emploi au « noir » s'y s'affiche au grand jour, sur les lampadaires ou sous les abris de bus, sous forme de petits bouts de papier collés sur n'importe quel support, en désignant la nature du servie proposé, suivi d'un numéro de téléphone portable du prestataire qui offre ses services.
Conscient de ce problème, le gouvernement espagnol a fait de la lutte contre la fraude une de ses priorités, en sachant que son plan de lutte contre l'emploi irrégulier a permis de faire affleurer plus de 91 000 emplois non déclarés en 2012, ce qui reste une goutte d'eau face à l'ampleur du problème.
Le niveau de la fraude en Espagne est le deuxième le plus élevé d'Europe, après la Grèce et avant l'Italie.
On parle moins, en ce moment de l'Italie, dont l'économie souterraine a toujours été montrée en exemple.
La France fait aussi partie, à cet égard, dans l'esprit de nos partenaires européens, des pays insouciants du Sud, surtout jalousés pour leur qualité de vie.
Dans une étude sur l'économie souterraine publiée par Visa Europe, en 2013, le poids de l'économie souterraine en Europe devait atteindre, 2 100 milliards d'euros soient l'équivalent de 18,5 % du PIB européen alimenté principalement par le travail au « noir » et la sous-déclaration des revenus.
Selon cette étude, la part de l'économie souterraine représente 9,9% du PIB en France et s'élève à environ 204 milliards d'euros par an.
Michel Sapin, ministre du Travail et de l'Emploi, en réunissant la commission nationale de lutte contre le travail illégal a fixé les priorités pour 2014.
Il a surtout évoqué l'évolution récente observée en matière de fraude au détachement de travailleurs européens, concernant 170 000 travailleurs en 2012 et qui devraient en concerner 220 000 en 2013.
Le plan de lutte du gouvernement contre cette dérive repose sur :
• une efficacité plus grande des contrôles,
• la prévention des fraudes dans les principales professions concernées, par une meilleure concertation entre les partenaires sociaux,
• le renforcement de l'arsenal juridique pour responsabiliser les maîtres d'ouvrage et les donneurs d'ordre,
• l'action au niveau européen sur le projet de directive d'application des règles de détachement.
On sait qu'il est difficile de lutter contre l'économie souterraine, lorsqu'elle s'appuie sur des directives européennes, surtout détournées de leurs objectifs.