Le rôle du secteur financier dans la lutte contre le réchauffement climatique doit gagner en importance Article lu 26044 fois, depuis sa publication le 14/10/2016 à 07:34:59 (longueur : 5252 caractères)
Alors que l'accord de Paris sur le climat, conclu à l'occasion de la COP 21 en décembre 2015, est maintenant enfin en cours de ratification, la ministre de l'environnement, Ségolène Royal, qui a pris la suite de Laurent Fabius à la tête de la COP 21, en attendant de passer le flambeau au Maroc pour la COP 22 qui se tiendra à Marrakech, a exhorté le monde de la finance à passer à la vitesse supérieure lors d'une conférence du Tacs Force on Climate Financial Disconsures, TCFD.
La TCFD est une organisation destinée à promouvoir l'intégration du risque carbone, dans le monde de la finance qui a encore l'essentiel de ses billes dans les secteurs industriels classiques axés sur les énergies fossiles et qu'il faut convaincre de financer les énergies renouvelables, en passant au domaine de la finance verte.
La prise en compte de l'empreinte carbone dans l'orientation et la gestion des actifs financiers est loin d'être admis, à quelques exceptions près, cependant un gestionnaire d'actifs, à qui l'on attribue des milliards de dollars de placement à gérer, a clamé que tous les investisseurs devraient désormais intégrer dans leurs plans d'investissement le réchauffement climatique.
C'est une prise de position courageuse qui fait fi des pressions à court terme qui n'encouragent pas à tenir compte des problèmes qui éclateront dans quelques années, bien que faisant l'objet de quelques études d'organismes spécialisés, à l'attention des initiés.
Actuellement, alors que les investissements dans le charbon sont déjà exclus pour certains gérants, comme pour ceux du fonds souverain Norvégien, pour d'autres qui s'efforcent d'offrir un risque raisonnable à leurs clients, ils sont astreints à la diversification sectorielle et ne peuvent pas s'en extraire.
Ainsi, les grands fonds d'investissement, sont investis dans presque tous les secteurs, y compris dans ceux à forte intensité carbone, ce qui prouve qu'il y a un risque à vouloir tout attendre du secteur financier, qui même s'il le voulait, ne peut pas s'en dégager à l'instant T, sans faire effondrer le système.
Par contre, les financiers avisés peuvent ne retenir dans un secteur donné que les entreprises les moins polluantes, à l'instar de l'ERAFP un fonds de pension français qui déclare être à 100 % investis dans des investissements socialement responsables, des ISR.
C'est la pratique du meilleur de la classe le « Best-in Class ».
Seulement, cette pratique risque de ne pas permettre de décarboniser rapidement toute l'industrie, compte tenu de l'inertie attachée aux milliards actuellement investis.
En 2015, Oxfam et les Amis de la Terre affirmaient que dans ce contexte, les banques françaises finançaient sept fois plus les énergies fossiles que les énergies nouvelles.
C'est le cas des mines de charbon en Australie dont les débouchés en Asie sont encore assurés pour de longues années, mais qui finiront par décliner avec le temps.
Dans ce contexte, les régulateurs américains, comme le révèle un article du Wall Street Journal, réfléchissent à intervenir en instaurant des règles obligeant les entreprises cotées à rendre compte sur les risques climatiques qu'ils encourent dans les zones où elles exercèrent leur activité.
Elles risquent d'être atteinte au travers de leurs clients et de leurs fournisseurs.
C'est un problème que les Directeurs des risques des multinationales doivent prendre en considération, avec le plus grand soin.
Confrontés jusqu'à présent aux risques industriels, commerciaux, financiers et politiques, ce sont les risques climatiques qui auront tendance à prendre le dessus et qu'ils doivent prendre en considération.
Ces risques se situent dans les chaînes d'approvisionnement qui représentent jusqu'à quatre fois les émissions directes de gaz à effet de serre des multinationales donneuse d'ordre.
Les acheteurs tendent à travailler sur le long terme avec leurs fournisseurs stratégiques, or, si ceux-ci sont impactés par le réchauffement climatique, leurs clients le seront aussi.
Quand une usine est implantée dans une zone à risques, elle peut virtuellement bloquer l'ensemble de ses clients, et dévaloriser leurs investissements.
Les acheteurs ont beaucoup à perdre et les trois quarts d'entre eux pensent que le climat représente un risque significatif pour leurs activités.
Tirant profit de la proximité entre acheteurs et fournisseurs, les premiers peuvent inciter les seconds, sous les auspices des financiers, à s'engager à réduire leur empreinte carbone.
Citons à titre d'exemple, l'Oréal qui a identifié la filière importante que constitue sa chaîne d'approvisionnement, en ciblant la neutralité carbone d'ici 2020 et pour cela, elle a déployé un programme de « sourcing durable » consistant à sélectionner les fournisseurs les plus vertueux.
On arrive ainsi à conjuguer « Achats responsables et exploitations responsables » avec « Finances responsables ».
Il appartient au secteur financier d'être attentif à cette évolution en la favorisant par ses concours financiers et en se retirant progressivement des autres, à commencer par les mines de charbon qui fournissent le combustible le plus polluant.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef
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