Le devoir de précaution, bien qu’en question, a la peau dure
Article lu 12163 fois, depuis sa publication le 13/09/2013 à 07:51:16 (longueur : 3313 caractères)
En 2005, la France a inscrit le principe de précaution dans sa constitution, en le plaçant, de ce fait, au-dessus des lois ordinaires.
Ce principe fait désormais partie intégrante des règles qui régissent le fonctionnement de nos institutions et doit être appliqué par le législateur, sous le contrôle des tribunaux.
Il se définit comme suit:
« Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertain en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leur domaine d’attribution, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées, afin de parer à la réalisation du dommage. »
La mise en application du principe de précaution, dont l’initiative appartient aux pouvoirs publics, se heurte d'ors et déjà à de nombreuses objections.
On peut le constater dans les deux domaines particulièrement sensibles où il en a été fait application, la culture d’un maïs OGM, le Mon8I0 autorisé dans l’Union européenne et l’exploitation des gisements de gaz de schiste par fracturation hydraulique.
Pour ce qui est du maïs OGM, le gouvernement, en opposition avec la Commission européenne, a instauré un premier moratoire, annulé par le Conseil d’Etat, suivi d’un second moratoire, également frappé de nullité par notre juridiction administrative.
Depuis, le Président François Hollande, qui pour des raisons politiques n’a pas les mains libres, a confirmé son intention de prolonger le moratoire litigieux, en bravant la Communauté européenne.
Le problème de l’exploitation des gisements de gaz de schiste est autrement plus important que la culture d’un maïs transgénique, dont on peut se passer, sans mettre en danger notre économie.
L’interdiction de pratiquer en France la fracturation hydraulique, la seule technique actuellement connue et pratiquée dans le monde, pour extraire le pétrole et le gaz contenu dans les gisements de schiste, remonte à la loi du 13 juillet 2011, votée pendant la précédente législature, et dont le gouvernement actuel fait sienne , sans restrictions.
Il est peu probable que cette position soit remise en cause à brève échéance.
La preuve en est, alors que cette interdiction divise, à cause de ses conséquences économiques pour le pays, François Hollande a clos le débat, lors de son intervention du 14 juillet en indiquant qu’il n’y aura pas d’exploitation des gisements de schiste en France, durant son mandat.
On compte parmi les favorables, Louis Gallois nommé par François Hollande Commissaire général à l’investissement et Michel Rocard, ancien Premier ministre socialiste, sous François Mitterrand.
Les Etats-Unis, en faisant fi des risques que présente la fracturation hydraulique pour l’environnement et, plus particulièrement pour les nappes phréatiques, en font un nouvel « eldorado pétrolier » et d’autres pays, notamment en Europe, sont sur le point de les imiter.
Pour le philosophe François Ewald, le principe de précaution est en soi même excessif, car il commande de donner le plus grand poids au plus petit risque, en obligeant à exagérer les menaces, ce qui tend à placer la société dans une situation de crise et d’urgence permanente.