Les patients précaires ont souvent du mal à se faire soigner
Article lu 7510 fois, depuis sa publication le 01/02/2017 à 08:06:26 (longueur : 3488 caractères)
Cela ne devrait pas être vrai, mais pourtant des médecins libéraux, ont affiché sur Internet leur refus de soigner des patients précaires, pour les dissuader de demander un rendez-vous à leur cabinet, faute de pouvoir leur compter des dépassements d'honoraires.
Les patients précaires sont les bénéficiaires de la couverture maladie universelle, la CMU ou de l'aide médicale d'Etat, l'AME.
Il s'agit, en l'occurrence de 12 médecins ou dentistes qui avaient fait figurer « pas de CMU ou pas de d'AME » sur leur page Doclib.fr ou Monrdve.com, des sites de prises de rendez-vous.
En réaction de quoi, Médecine du monde, la Fédération des acteurs de la solidarité, la Fnars et le Collectif inter associatif de la Santé, le CISS, un groupement d'une quarantaine d'associations de patients ont dès le 10 janvier, saisi le Défenseur des droits de ce comportement inqualifiable.
Dans la foulée, l'autorité indépendante a ouvert une instruction et adressé des demandes d'explication à ces praticiens, qui refusent ouvertement de soigner ces patients au tarif conventionnels, sans dépassements d'honoraires, comme la loi les y oblige.
Pour le délégué général de la Fnars, « les refus de soins envers les précaires sont massifs et répétitifs, mais avec cet affichage sur les sites, un pas de plus a été franchi, la démarche de rejet est décomplexée ».
« Ces pratiques ne sont pas tolérables, si elles sont avérées, des poursuites disciplinaires seront engagées » promet de son côté, le vice-président du Conseil national de l'ordre des médecins.
La population concernée est nombreuse, 1,35 million de personnes sont affiliées à la CMU, 5,5 millions bénéficient de la CMU complémentaire, la CMU-C et 1,12 million de l'aide à la complémentaire santé, tandis que 63 130 personnes sont éligibles à l'AME.
Par ailleurs, beaucoup de médecins n'acceptent pas les SDF dans leur cabinet, qui n'ont pas d'autres solutions que de se rendre dans les consultations des hôpitaux ou de ne pas se faire soigner, au détriment de leur santé.
Les travailleurs sociaux, conscients de cette situation, connaissant les refus, et finissent toujours par orienter les malades vers les mêmes médecins, qui les acceptent.
Certains praticiens, qui acceptent de recevoir des patients au tarif conventionné parce que la convention les y oblige, leur réserve des consultations plus courtes, sans fournir les services qu'ils apportent à autres clients, ce qui n'est pas une solution. Pour ces médecins, ceux qui viennent les consulter, ne sont plus des patients mais des… clients.
Le phénomène est difficile à quantifier, car les plaintes sont rares en raison des procédures que les personnes en situation de précarité renoncent à activer.
Le médiateur de la Caisse nationale d'assurance maladie a été saisi 407 fois pour refus de soins en 2015 et a une quarantaine de dossiers en cours.
Huit dossiers ont été examinés en 2015 par les chambres disciplinaires de l'ordre des médecins, avec un seul blâme, ce qui prouve que tout va bien, dans le meilleur des mondes.
Chez les chirurgiens-dentistes, les chiffres des plaintes sont encore plus modestes et le président du Conseil de l'ordre regrette que quelques praticiens jettent l'approprie sur l'ensemble de la profession.
Des opérations de testing permettent de mieux mesurer la dimension des discriminations, bien que les ordres des praticiens y soient opposés à cause des résultats peu flatteurs qui en découlent.