La France prépare l'enfouissement de ses déchets radioactifs pour 1 million d'années
Article lu 27883 fois, depuis sa publication le 06/06/2014 à 07:46:08 (longueur : 3871 caractères)
En donnant naissance à son industrie électronucléaire, dont on connait le succès, en couvrant depuis des années 75 % de sa production d'électricité, la France a accepté implicitement un double défi auquel il faut se préparer à faire face.
Il s'agit de procéder, le moment venu, à la déconstruction des réacteurs nucléaires, arrivés en fin de vie, puis au stockage des déchets radioactifs dégagés de cette activité.
Ce sont des activités nouvelles, dans lesquelles tout est à inventer et même si la France n'est pas la seule sur ce créneau d'activité, elle y occupe une position d'avant-garde.
Dans un premier temps, il faut préparer la réception, le traitement en vue du stockage et le stockage lui-même des déchets radioactifs, qui se présenteront en quantités croissantes, une fois l'activité de déconstruction, on dit de démantèlement des centrales en fin de vie, amorcée.
On a peut-être pensé pouvoir se défaire des déchets radioactifs au fonds des océans, comme certains ont pu le faire avec leurs sous-marins et autre navires à propulsion nucléaire, mais ce n'est pas une solution pérenne et, plutôt, une source de conflits.
Les paramètres de classification des déchets radioactifs diffèrent d'un pays à l'autre et, notamment en France, leur définition ressort du code de l'environnement.
Le stockage qui nous occupe concerne les déchets radioactifs ultimes, qui ne peuvent plus être traités dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de leur partie valorisable par réduction de leur caractère polluant ou dangereux, d'où l'obligation de les stocker.
C'est le cas des déchets issus notamment de la production d'électricité nucléaire, d'où la mise en place d'un stockage pour un million d'années, en sachant que 43 000 m3 sont actuellement entreposés sur des sites provisoires à La Hague, Marcoule et Cadarache, en attendant de pouvoir les accueillir sur le site de stockage à construire.
Les pouvoirs publics ont créé, à cet effet, une Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'Andra, qui travaille sur le futur centre de stockage profond des déchets radioactifs, un Cigéo, près de Bure dans la Meuse.
L'Andra prévoit actuellement le point de départ d'une phase industrielle de stockage, après le débat public qui s'est déroulé de la mi-2013 au début 2014, pas avant 2030, voir 2035, au lieu de 2025, initialement prévu.
La phase de test, d'une durée de cinq à dix ans, débutera par l'enfouissement de colis factices, puis de colis de haute et moyenne radioactivité, avant de passer progressivement à l'enfouissement de 3 000 colis par an, le temps de tester les alvéoles qui les contiendront, a expliqué la directrice générale de l'Andra, Marie-Claude Dupuis.
Durant cette phase, l'Andra pourra s'assurer que le dispositif est réversible, avec la possibilité de remonter à la surface les colis déjà entreposés.
Le Conseil d'administration a décidé d'émettre les demandes d'autorisation d'exploitation en deux temps en 2015 et 2017, soit à deux ans près, du respect des délais prévus par la loi de 2006.
Pour l'obtention du feu vert de l'Etat, l'objectif est 2020, en tablant sur la même échéance pour le démarrage de la construction du site.
Le fonctionnement du Cigéo nécessite de très lourds équipements et aménagements, des embranchements ferroviaires, funiculaires et routes d'accès.
Il faut savoir que le site doit contenir, par 500 mètres de fonds et pour des centaines de milliers d'années, pas moins de 99% de la radioactivité résiduelle produite en France et issue de 3% de ses stocks de déchets nucléaires.
En attendant la décision attendue par le ministère de l'Energie de l'Andra, le coût du site est estimé dans une fourchette comprise entre 13,5 et 36 milliard d'Euros, pour une estimation initiale de 15 milliards d'euros.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef