A propos de l'encyclique du Pape François sur le climat et l'environnement
Article lu 28625 fois, depuis sa publication le 03/07/2015 à 07:48:14 (longueur : 4492 caractères)
L'encyclique est, comme on le sait, une lettre circulaire, adressée par le Pape à tous les évêques pour être portée aux connaissances de l'ensemble des fidèles.
Elle est destinée à exposer la position officielle de l'Église catholique sur un thème précis, en l'occurrence « à tous » s'agissant des défis climatiques et environnementaux auxquels est confronté le monde d'aujourd'hui et qui conditionne notre survie sur terre que chacun est libre de concevoir, selon ses croyances et ses convictions, mais sans pouvoir y échapper.
Cette encyclopédie était attendue, car nous sommes, plus que jamais à la croisées des chemins.
Il a fallu vingt ans pour qu'une majorité des personnes ayant une parcelle d'influence sur le déroulement de la vie sur terre, admettent que l'existence d'un dérèglement imputable au réchauffement climatique, dû à l'activité humaine et, aujourd'hui, certains contestent encore.
Malgré le scepticisme ambiant, l'ONU a réussi à fédérer ses Etats membres au sein de la Convention des Nations Unies sur les Changements climatiques, la CCNUCC avec pour objectif de mettre en oeuvre les stratégies nationales pour faire face aux émissions de gaz à effet de serre et d'apporter un soutien financier et technologique aux pays en voie de développement.
Depuis 20 ans, les membres de la CCNUCC se réunissent chaque année en COP, qui vont d'échec en échec, le plus cinglant a été celui de la COP 15 à Copenhague en 2009.
Le seul résultat notable a été le protocole de Kyoto, signé en 1997, à l'occasion de la COP 03, une sorte « d'auberge espagnole » respecté par une trentaine de pays membres, seulement.
La COP 21 se tiendra cette année à Paris, sur invitation de la France et tout le monde s'accorde pour dire que c'est la réunion de la dernière chance, qu'il faut réussir tout prix.
Le défi est immense, il est à la fois d'ordre technique et d'ordre financier.
Pour contenir le réchauffement atmosphérique à 1,5 degré et non plus à 2 degrés, jugé trop élevé par les experts, il faudra pratiquement réduire, d'ici 2050, les émissions de gaz à effet de serrer de 90 %, donc de concevoir et de mettre en place une économie décarbonée.
C'est nouveau et accentue la gravité de la situation.
Le problème financier est le plus ardu à régler, les pays du nord, seuls responsables du réchauffement climatique, sont d'accord pour le prendre en charge, mais en ont-ils les moyens ?
Il s'agit d'aider les pays du sud à reconvertir leur économie au « zéro carbone » et à les aider à faire face aux conséquences du réchauffement climatique et, notamment, à la montée des océans, dont il faut redouter le pire.
L'engagement financier qui a été pris, porte sur 100 milliards de dollars par an, à partir de 2020.
Il faut à tour prix que la COP 21 de Paris soit un succès mais, malheureusement, les réunions préparatoires organisées sous l'égide de l'ONU, y compris la dernière à Bonn, n'en montrent pas le chemin.
Le suspens vient aussi du comportement à attendre des grands pays en voie développement, la Chine et l'Inde, qui ont un retard immense à rattraper et qui avancent à grand pas dans l'industrialisation de leur pays, en forçant sur la production d'électricité à partir de charbon, l'énergie la plus polluante.
Le comportement du Canada et des Etats-Unis, grands producteurs d'hydrocarbures non conventionnels et l'Australie, exportateur de charbon bon marché, pose problème.
Malheureusement, nous sommes loin d'un fleuve tranquille et nous attendions l'encyclique du pape pour qu'elle rappelle les décideurs à leur devoir, en les mettant face à leurs responsabilités.
Ce texte de 192 pages, un peu trop long à notre goût, pour évoquer les défis climatiques et environnementaux auxquels nous sommes confrontés, pour adresser un appel solennel à toute l'humanité.
Le pape François soutient que les pays du Nord ont une dette écologique envers ceux du Sud, ce qu'ils ne contestent pas, et que les négociations intemationales ne peuvent avancer de manière significative à cause de la position de pays qui privilégient leurs propres intérêts nationaux plutôt que le bien commun global.
C'est une mise en garde, face à un risque d'échec encore réel.
Face à ce risque, il plaide pour une écologie intégrale, à la fois humaine et sociale en faisant appel aux hommes de bonne volonté, pour développer une force d'entraînement des 196 Etats membres de la CCNUCC.
Le tout est de savoir s'il sera entendu.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef