Nous assistons peut-être à une stabilité sinon à une inversion de l'espérance de vie
Article lu 24369 fois, depuis sa publication le 28/10/2016 à 07:36:37 (longueur : 5150 caractères)
L'alerte vient d'être donnée par l'INSEE le 13 octobre, qui constate, que la France affiche en 2015, sans raison apparente, un taux de mortalité d'un niveau record.
En effet, 594 000 personnes sont mortes l'année dernière, soit 34 000 de plus, par rapport à 2014, ce qui donne un écart, d'une année sur l'autre, de 6,1 %.
Cette situation s'explique pour l'INSEE notamment par le vieillissement des « baby-boomers » dont la première génération arrive à un âge où le risque de mourir est plus élevé que par le passé et par une hausse de la mortalité après 65 ans.
Selon l'INSEE, dont l'étude se fonde sur les statistiques de l'état civil, cette situation singulière, par rapport au passé, s'explique pour partie par un pic de décès hivernal, plus marqué en 2015 que lors de trois années précédentes.
L'étude de l'INSEE précise que des évènements conjoncturels sont aussi en cause, la grippe au premier trimestre 2015, puis plusieurs épisodes caniculaires en juillet et en août et une vague de froid prématurée en octobre.
Puis, en février on a compté, sans explications, le décès de 380 personnes supplémentaires par jour, par rapport à février 2014.
Voici les faits dont il faut pouvoir tirer des conclusions, mais voyons d'abord ce qu'il faut savoir de l'espérance de vie humaine.
L'espérance de vie à la naissance est un simple indicateur statistique qui permet de quantifier les conditions de mortalité une année donnée.
L'espérance de vie à la naissance est égale à la durée de vie moyenne d'une population fictive qui vivrait toute son existence dans les conditions de mortalité de l'année considérée, ce qui n'est jamais le cas.
Contrairement à ce que le terme « espérance de vie » peut laisser penser, cette statistique n'est pas une prévision de probabilité de décès pour les années ultérieures à la naissance, car il faut tenir compte de l'évolution des conditions de vie de chacun, tout au long de celle-ci.
Si les progrès continuent, les êtres humains vivront plus longtemps, ce qui s'est vérifié jusqu'à présent, au grand dam des régimes de retraite sauf, si les conditions de vie se dégradent, alors la durée de la vie humaine diminuera d'autant.
C'est à partir de ces données que les actuaires établissent des prévisions de mortalité des hommes et des femmes, à un âge donné.
Ainsi, en 2012, pour les femmes et les hommes nés cette année-là, l'espérance de vie était au départ, respectivement de 84,9 et de 78,5 ans.
Les assureurs utilisent les tables de mortalité pour transformer un capital en rente viagère, principalement dans le cadre des régimes de retraite par capitalisation, dont les règles prudentielles les obligent à provisionner leurs engagements.
Jusqu'à présent, l'espérance de vie à la naissance a progressé à grand pas, grâce au progrès du bien-être général, de la paix, de la médecine, de l'hygiène et de l'alimentation, mais, à l'image de ce qui se passe dans la nature, où les arbres ne poussent jamais jusqu'au ciel, cette progression devrait fatalement un jour atteindre ses limites, ce qui pourrait, dans un proche avenir devenir le cas sur notre planète.
Il suffit d'observer la vie de tous les jours d'un nombre ne croissant de personnes qui tombent, dans un pays riche comme la France, dans un état de précarité et de pauvreté.
Cette situation se répercute fatalement sur leur état de santé physique et psychique et, par conséquent sur leur espérance de vie.
Ceux qui sont nés durant les 30 glorieuses ont vu leur espérance de vie à la naissance progresser, puis stagner avant d'amorcer sans doute un déclin.
Ce sont des moyennes et chacun suit sa propre trajectoire, selon le mode de vie qu'il a choisi où qui s'est imposé à lui, ce qui s'appelle le destin.
Mais voyons le côté pratique d'une telle évolution qui concernera tôt ou tard la quasi-totalité de la population, nous voulons parler des régimes de retraites, tributaires de l'évolution de l'espérance de vie de chacun.
Pour ce qui est des titulaires d'un régime de retraite par capitalisation, le capital épargné sera converti en rente viagère, sur une ou deux têtes sur la base des tables de mortalité en vigueur au moment de la conversion.
Pour eux c'est une bonne nouvelle, car si la mortalité progresse au lieu de reculer, le montant de leur rente viagère augmentera en conséquence, à capital égal.
Pour ce qui concerne les régimes de retraite par répartition, qui ne sont pas tenus par un engagement de résultat, le décès de chaque retraité met fin à leur engagement à son égard, sans réduire pour autant la masse à répartir entre un nombre plus faible d'ayant droit.
La réduction de leur espérance de vie devrait se traduire, à la longue, par une augmentation des pensions.
Quant aux pensions des fonctionnaires qui ne sont pas provisionnés mais payées sur les budgets courants, ce sont ces budgets qui s'allégeront d'autant.
Si cette évolution de la mortalité, se confirme, elle aura une incidence sur la répartition démographique de la population à laquelle il faut s'adapter en permanence.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef