Les initiatives non-étatiques se précisent pour agir en faveur du climat
Article lu 25980 fois, depuis sa publication le 21/10/2016 à 07:35:20 (longueur : 5653 caractères)
Malgré l'accord arraché à Paris en décembre 2015, à l'occasion de la COP 21, et en sachant depuis peu que sa ratification est en bonne voie, il faut se rendre à l'évidence que les engagements volontaires des Etats laissent la planète sur une trajectoire de réchauffement de 3 degrés.
Il est toujours peu crédible d'atteindre l'objectif de le situer en dessous de + 2 degrés et encore moins de ne pas dépasser les 1,5 degré, pour éviter aux Etats insulaires du Pacifique d'être submergés par la montée de l'océan.
Pour eux, c'est déjà trop tard et il faudra venir en aide aux populations insulaires pour qu'elles puissent s'installer ailleurs, à temps.
Cependant, les bonnes volontés ne manquent pas et durant trois jours des collectivités territoriales, des organisations syndicales, des ONG, la communauté scientifique et des entreprises se sont réunis à Nantes pendant 3 jours, du 26 au 28 septembre, au Sommet Climate Chance, qui a réuni 3 000 acteurs non-étatiques, pour mutualiser leurs expériences, faites de succès et de difficultés.
A l'ouverture de la conférence, le maire de Ouagadougou au Burkina Faso a donné le ton, en martelant « Il faut de l'action, de l'action, de l'action ».
Il y avait notamment la ville d'Utrecht, aux Pays Bas, une communauté villageoise d'Ethiopie, le Costa Rica surnommée la Suisse de l'Amérique centrale, la métropole catalane de Barcelone, pour donner une idée de la représentativité des participants au sommet de Nantes.
Ils ont tous des projets qui témoignent du foisonnement des réalisations de terrains et des opportunités naissantes à travers le monde.
Neuf mois après la COP21 de Paris et à quelques semaines de la COP 22 de Marrakech au Maroc, la première conférence de Climate Chance s'est voulue un antidote au fatalisme et rendre crédible l'objectif de + 2 degrés fixés par l'accord de Paris.
A Nantes, les acteurs, tous privés et non étatiques, se sont montrés déterminés à porter des propositions constructives et précises permettant à leurs pays respectifs de procéder, dès 2018, le point d'étape, prévu dans le texte de l'accord de Paris, à une réévaluation à la hausse de leur contribution, indispensable pour atteindre l'objectif de l'accord, à condition d'entendre la société civile.
Laurence Tubiana, encore ambassadrice chargée des négociations climatiques pour la France est missionnée, pour quelques semaines encore, des négociations climatiques pour la France, a salué la capacité des acteurs non gouvernementaux à rendre les Etats plus courageux.
Pour elle, « c'est parce qu'il y a eu cette coordination fantastique des acteurs non étatiques, que la COP 21 a été un succès et que cette méthode est à poursuivre ».
Pour le porte-parole chargé du climat pour l'organisation Cités et gouvernements locaux unis, CGLU et l'un des instigateurs de ce premier sommer Climate Chance, le message est clair « Aujourd'hui, nous voulons dépasser la reconnaissance et être dans la collaboration concrète avec les Etats, le temps n'est plus aux déclarations, mais à l'action.
Les Etats ne peuvent pas agir sans la société civile, car c'est dans les territoires que l'action se passe ».
Dans leur déclaration finale, les acteurs non-étatiques insistent sur cette nécessaire approche décentralisée de l'action climatique.
Parce qu'elle concentre un ensemble d'acteurs et parce qu'elles sont beaucoup plus souples, plus agiles que les Etats « les villes ont une responsabilité particulière, elles sont le territoire de solutions, des accélérateurs de changement, insiste le maire de Nantes ».
C'est vrai pour les villes du Nord, mais tout autant pour les villes du Sud, comme celle de Kampala, la capitale de l'Ouganda, qui aimerait voir leur capacité d'intervention renforcée.
Encore un exemple, dans cette ville, la « directrice exécutive » encourage le recyclage des déchets en briquettes combustibles, se substituant au charbon, tout en offrant une possibilité de revenus supplémentaire aux habitants.
Ils exhortent aussi dans cette déclaration finale les pays développés à tenir concrètement l'engagement pris en 2009 à Copenhague de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour le climat, mais depuis la crise économique est passé par là et les pays dits riches sont endettées au-delà du raisonnable.
Bien entendu, on reparlera à Marrakech de ces 100 milliards dollars par an et des sommes que l'on pourra réunir, à ce titre, dans la conjoncture actuelle, car emprunter pour faire des dons, même pour le climat, a des limites que l'on doit comprendre.
Toutefois, les pays les plus vulnérables attendent des allocations pour s'adapter aux changements climatiques dont les effets se font déjà sentir et pas des déclarations de principes.
Pour la directrice générale d'Oxfam France, relavant une conviction largement partagée par les acteurs non-étatiques, les fonds doivent être mis à la disposition sous la forme de dons et non de prêts, car ils sont destinés à des actions peu rentables.
Il s'agit de relayer les actions lancées par le Fonds d'équipement des Nations Unis, un programme subventionné dans les pays les moins avancés, des projets d'adaptation de petite et de moyenne taille, visant notamment à renforcer la résilience au changement climatique, comme la réhabilitation de puits permettant de réduire les distances des parcours pour collecter de l'eau, augmenter la capacité des terres pour produire, installer des panneaux solaires,…
Il s'agit maintenant, dans les limites du possible, de crédibiliser les engagements internationaux et l'accord de Paris.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef