Les soins palliatifs de la théorie à la pratique
Article lu 27999 fois, depuis sa publication le 19/02/2016 à 07:45:38 (longueur : 4595 caractères)
L'un des mérites de la loi Leonetti sur la fin de vie, votée en 2005 a été de placer les soins palliatifs au centre du débat, qui est loin d'être clos car, faute de moyens, ils sont loin d'occuper la place qu'ils méritent.
Le lancement des soins palliatifs repose sur une idée généreuse, celle de venir en aide aux personnes atteintes d'une maladie grave, en phase terminale, avec pour objectif de les soulager des douleurs physiques et de prendre aussi en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle.
Les soins palliatifs ont fait l'objet de la loi du 9 juin 1999 et une circulaire du 19 février 2002, qui précise l'accès aux soins palliatifs, inscrits par ailleurs dans le code de la déontologie médicale de 1995.
Malgré l'intérêt porté par le législateur aux soins palliatifs, une étude de l'INSERM de février 2002 indique que les médecins français restent peu formés en matière de soins palliatifs et pointe les difficultés d'accès des patients à ce type de prise en charge.
Ce sont ainsi 57 % des patients habitant en zone rurale et 67 % des patients âgés de plus de 65 ans qui n'auraient pas eu accès aux soins palliatifs, dont ils devaient, théoriquement bénéficier en fin de vie.
Cependant, ces deux statistiques, indépendantes l'une de l'autre semblent peu crédibles, eu égard du peu de moyen consacré en réalité aux soins palliatifs, pratiquement inexistants, notamment en soins de ville.
Cette pénurie de moyens, qui explique les manifestations en faveur de l'euthanasie et du suicide assisté est d'autant plus flagrante que les soins palliatifs ne sont pas synonymes de soins de fin de vie comme cela est souvent compris.
Un certain nombre de patients justiciables des soins palliatifs peuvent avoir une espérance de vie de plusieurs mois, voire d'années, avec une qualité de vie acceptable, malgré la présence d'une maladie inéluctablement mortelle et dont l'issue ce n'est plus qu'une question de temps.
Dans ce cas, l'objectif ne peut plus être la guérison mais la lutte contre les symptômes inconfortables qui découlent de cette maladie, ce qui change, ipso facto, le rôle du médecin.
Pour le médecin qui suit ce malade et qui ne peut pas le guérir, le rôle a changé, mais il ne s'agit pas non plus, pour lui de donner la mort.
La démarche palliative peut parfois envisager la prise d'un traitement médical ou la réalisation d'un acte chirurgical si ce traitement permet de soulager un symptôme inconfortable, à ne pas confondre avec un quelconque acharnement thérapeutique, qui n'aurait pas le même objectif, mais uniquement de retarder l'issue fatale.
Elle vise avant tout à éviter les investigations et certains traitements déraisonnables, qui ne font pas espérer une amélioration du confort.
Ce sont rarement les patients qui sont à, l'origine de ces demandes de traitement, mais des personnes de leur entourage et il appartient aux médecins de ne pas leur céder, ce qui n'est pas évident.
L'introduction des soins palliatifs en France a été plus tardive qu'en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, d'où le mouvement est parti, après la Seconde Guerre mondiale.
Elle a été officiellement introduite chez nous par la circulaire Laroque de 1986, mais malheureusement onze ans après le premier choc pétrolier, qui a sonné le glas des 30 glorieuses.
Cette circulaire a traité de l'organisation et de l'accompagnement des malades en phase terminale et tout a été fait au plan législatif et réglementaire, mais sans donner à la médecine publique les moyens humains et matériels pour faire face à cette mission.
S'il est possible de réserver dans quelques hôpitaux témoin des chambres et des soignants aux soins palliatifs, rien de tel n'existe en médecine de ville et encore moins dans les maisons de retraite médicalisée.
Les généralistes et les infirmières libérales ne peuvent pas se consacrer aux soins palliatifs, même s'ils leur arrivent de soigner des malades en fin de vie avec dévouement.
Ce ne sont pas les textes qui manquent, mais les moyens, car tout est prévu dans le codage des soins palliatifs, qui doivent être pratiqués par toutes les équipes soignantes spécialisées dans l'accompagnement des malades en fin de vie.
Depuis 2009, ce sont les Agences régionales de santé, les ARS qui sont chargés de mettre en oeuvre les soins palliatifs, dans leur ressort.
Si un jour, on dispose des moyens prévus par la loi pour pratiquer les soins palliatifs, les lois sur la fin de vie perdront de leur importance, mais pas de leur utilité.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef