L'automobile au service de la mobilité
Article lu 42627 fois, depuis sa publication le 17/06/2016 à 07:32:34 (longueur : 5201 caractères)
Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, devenir propriétaire d'une voiture était le rêve de tout personne désireuse de se positionner au plan social.
Les constructeurs d'automobile se sont efforcés de leur donner satisfaction, Citroën avec sa fameuse 2 CV, Renault avec son berlingot, la légendaire quatre chevaux et un peu plus tard Peugeot avec la 205, un véritable succès commercial.
Puis, les constructeurs ont diversifié leur gamme, des constructeurs étrangers se sont implantés en France et des marques ont disparu.
La voiture est devenue un mode de transport indispensable, avant de devenir un otage de son succès, marqués par les embouteillages, les milliers de victimes de la route, puis la pollution dont on a fini par ressentir les effets.
Entre temps, à côté du Français moyen, propriétaire de sa voiture, est né le cadre supérieur, une nouvelle élite, bénéficiaire d'une voiture de fonction, mis à sa disposition, à titre d'avantage en nature pour ses besoins particuliers, ce qui a donné naissance aux « flottes d'entreprises ».
Cela a été l'occasion, pour les constructeurs, de proposer, par l'entremise de filiales financières spécialisée, des véhicules en location longue durée aux entreprises, tout en étant réticents à étendre ce type de contrats aux particuliers.
Un jour, crise financière oblige, les constructeurs ont brusquement changé leur fusil d'épaule et proposent désormais leurs voitures en location longue durée aux particuliers, sans autre condition autre que de payer un loyer mensuel durant un certain nombre de mois, mais sans possibilité d'achat à la fin du contrat, contrairement au leasing.
De plus en plus souvent, le loyer inclut l'entretien, mais pas encore l'assurance.
A la fin du contrat, le locataire rend la voiture en payant, s'il y a lieu les réparations restant à effectuer et il est libre de louer un autre véhicule, de préférence de la même marque, s'il veut lui rester fidèle.
De là est né un marché de l'occasion florissant, alimenté par les véhicules restitués aux constructeurs, en fin de contrat de location.
Puis, la crise économique aidante, les Français ont changé leurs habitudes, celle-ci a donné naissance au co-voiturage, qui bénéficiant des nouveaux moyens de communication apportée par internet et les smartphones, a tendance à se développer.
On voit aussi se développer la location de voitures entre particuliers, il y a ceux qui utilisent uniquement leur voiture en semaine et d'autres uniquement le week-end et qui peuvent, en la louant le reste du temps, arrondir leurs fins de mois.
Cette location est rendue possible par la souscription d'une extension de garantie à l'assurance qui couvre le véhicule.
Comme on peut le constater, on est loin du véhicule, symbole du culte de la propriété et de la réussite sociale, ce n'est plus qu'un bien consommable que l'on apprécie pour les services qu'il rend.
Face à cette situation et placé devant l'impossibilité croissante de vendre les millions de véhicules qu'ils veulent produire pour les particuliers, les firmes automobiles misent sur la « mobilité » un service nouveau, encore mal défini qui reste à être inventé et à rendre indispensable.
Autrefois centrés sur la conception et la production de véhicules, les constructeurs commencent une profonde mue et c'est ainsi que Ford a annoncé sa volonté de transformer son groupe en fournisseur de services de mobilité.
L'objectif de Ford est de devenir acteur d'un marché de transport qui est estimé à 5 400 milliards de dollars.
Depuis, Ford a lancé Ford Smart Mobilité, une filiale chargée de développer des services d'autopartage et de covoiturage notamment, ce qui donne une première idée de ce qui pourra être l'usage des voitures dans un proche avenir.
Puis, BMW a fixé dans sa feuille de route stratégique l'objectif de devenir lui aussi un acteur majeur de nouveaux services de mobilité, sur le même créneau, en déploie déjà, depuis le tournant des années 2010, un service d'autopartage baptisé Drive Now.
En France, la direction générale de PSA a déclaré son ambition de se diversifier dans les nouveaux services en annonçant un fonds de 100 millions d'euros pour investir dans ce secteur.
On entend désormais parler de co-voiturage et d'autopartage qui transforment la voiture en bien collectif, en être le propriétaire n'est plus une priorité pour un nombre croissant d'utilisateurs.
En investissant sur ces nouveaux marchés, les constructeurs veulent saisir l'opportunité de suivre le comportement des consommateurs dans différents marchés, pour ne pas se limiter à vendre des flottes de véhicules aux nouveaux services de mobilité, sans y participer.
En basculant sur les services, les constructeurs comptent s'assurer des revenus stables qui risquent de leur échapper autrement au bénéfice des plates-formes de mise en relation et de se voir reléguer au rang de simples fournisseurs d'automobiles.
La généralisation des voitures autonomes risque de les marginaliser, car ce qui comptera sera moins le véhicule que la manière d'optimiser ses trajets entre les différents utilisateurs.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef