Divulgation d'un scénario d'une France à 100 % d'énergie renouvelable
Article lu 26971 fois, depuis sa publication le 17/04/2015 à 07:37:50 (longueur : 3924 caractères)
Ce scénario a été établi par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'Ademe, pour être présenté à un colloque les 14 et 15 avril à Paris, mais il a été publié hâtivement, manifestement sans l'accord des ministères de tutelle de l'agence, l'écologie et le recherche, dont dépend cet établissement public, il a disparu, sans autres, du programme du colloque.
Ce scénario traçait la voie vers un bouquet électrique intégralement composé de ressources « vertes » à l'horizon 2050 et le programme du colloque, revu et corrigé, sera dédié, d'une manière générale, aux « Energies renouvelables dans le mix électrique français ».
L'Ademe a expliqué à la presse que l'étude n'est pas encore finalisée et qu'il serait prématuré de divulguer des conclusions qui comporteraient des manques et ne seraient pas à 100 % fiables, sur un sujet aussi sensible.
Ce serait même, pensent certains, un dossier explosif, un brûlot, le fait d'imaginer un mix électrique entièrement renouvelable, sans hydrocarbure, mais surtout sans nucléaire, en revêtant ainsi un caractère iconoclaste dans un pays où l'atome représenté les trois-quarts de la production d'électricité.
En effet, la réduction de la part du nucléaire à 50 % en 2025 est inscrite dans le projet de loi de transition énergétique et doit être adoptée avant l'été, alors que l'affaire a pris une tournure politique compliquée, du fait des promesses électorales de 2012 du président de la République, qu'il reste à tenir.
On peut dire que l'opposition à l'Assemblée nationale et au Sénat y est farouchement contre, comme le sont en coulisse, les électriciens et certains syndicats.
Le nucléaire, en France (mais dans les autres pays aussi) est un sujet délicat.
D'un côté, c'est une source d'énergie qui est bon marché, qui ne pollue pas au moment de la production de l'électricité.
Mais d'un autre côté, il y a la production de déchets nucléaires, que personne ne veut et qu'il faut pourtant conservés à l'abri durant des temps très longs. Et, il y a toujours le risque, bien qu'il soit de mieux en mieux maîtrisé, de l'accident et de la contamination.
La ministre de l'Ecologie et de l'Energie, Ségolène Royal a affirmé devant la presse qu'elle n'était pas intervenue personnellement pour faire mettre sous le boisseau la sulfureuse étude, dont elle « ignorait » les tribulations, en ajoutant « si mes services ont demandé à l'Aden de faire preuve de cohérence avec la politique énergétique du gouvernement, ils ont eu raison ».
La loi de transition énergétique prévoit de porter la part du renouvelable dans la production d'électricité à 40 % en 2030, très loin de l'objectif de 100 % et la ministre écarte toute stratégie qui conduirait à une sortie du nucléaire.
Par contre, du côté des anti-nucléaires, le Réseau Action Climat et le Comité de liaison des énergies renouvelables, on trouve la perspective d'une France dénucléarisée, tirant son électricité du vent, du soleil, des barrages et des énergies marines, « parfaitement réalistes » en déclarant : « Nous sommes surpris du rapport de la publication de cette étude, qui promet d'être très instructive et d'ouvrir de nouveaux champs de connaissances ».
L'Ademe qui aura à rendre compte des raisons de son initiative à ses autorités de tutelle a fait savoir, pour clore ce chapitre, que l'étude dont elle a financé le coût de 294 000 euros, sera divulguée, une fois peaufinée, au second semestre de 2015, donc après l'adoption de la loi de transition énergétique, mais avant le COP 21 de décembre à Paris.
Elle a ajouté, en faisant preuve d'indépendance, « Pour le pays hôte de la conférence mondiale sur le climat, ce pourrait être l'occasion d'afficher, devant ses partenaires, qu'il ne s'interdit pas de voir loin et qu'il est tout le moins légitime d'explorer tous les scénarios même s'ils sont, à court et à moyen terme, peu réalistes.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef