Les nanomatériaux présentent, un risque humain et environnemental en puissance
Article lu 27215 fois, depuis sa publication le 13/06/2014 à 07:39:12 (longueur : 4243 caractères)
L'alerte sur les dangers que présentent les nanomatériaux a été lancée le 15 mai dernier par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'Anses, dans les termes suivants :
« Certains de ces matériaux sont toxiques pour l'homme et peuvent avoir des effets délétères sur les milieux naturels ».
Elle appelle à mettre en place, sans attendre, un encadrement réglementaire européen renforcé et à peser l'utilité de leur mise sur le marché.
Les nanomatériaux sont composés de particules dont la taille se mesure en nanomètres, soit en milliardièmes de mètres, ce qui représente, pour tenter une comparaison improbable, 50 000 fois moins que l'épaisseur d'un cheveu.
Ces particules sont utilisées dans l'industrie parce qu'elles donnent aux matériaux auxquels elles sont incorporées, des propriétés physiques, chimiques ou biologiques hors du commun, notamment sous forme de robustesse, d'élasticité, d'adhérence, de conductivité et de réactivité.
Depuis une décennie, les nanomatériaux se sont multipliés dans les sphères de la vie quotidienne, le plus souvent à l'insu du public ; en faisant partie des secrets de fabrication des industriels.
L'une des familles les plus répandues de nanomatériaux, les nanotubes de carbone, présents dans les articles de sport, les équipements automobiles ou les écrans souples est particulièrement montrée du doigt.
Dans la nature, ces mêmes nanotubes perturbent le développement racinaire des végétaux et altèrent la croissance, la reproduction et la viabilité de petits organismes.
Leur danger, pour les salariés qui les produisent, pour les consommateurs et pour l'ensemble de la population vient de leur petite taille, qui leur permet de pénétrer dans l'organisme, dans les poumons et de franchir les barrières physiologiques.
Pour donner l'alerte, l'Anses s'est appuyée sur les travaux d'un comité d'experts permanents, qui a passé en revu les publications scientifiques internationales, qui reposent sur des tests menés in vitro et in vivo sur des animaux mais ne sont pas directement extrapolables à l'homme, pour lequel des études épidémiologiques font encore défaut.
Nous ne disons pas que tous les nanomatériaux sont dangereux, précise Dominique Gombert, directeur de l'évaluation des risques de l'Anses, mais les incertitudes restent grandes quant à leurs effets sur la santé et l'environnement ce qui justifie la poursuite des recherches.
Cependant, il existe actuellement suffisamment de données scientifiques pour pointer les risques de certains d'entre eux et dans dix ans, il risque d'être top tard pour se poser la question de leur encadrement.
En 2010, l'Anses s'était contentée de mettre en avant le principe de précaution et elle va aujourd'hui plus loin en préconisant d'inscrire les nanomatériaux dans le cadre de la réglementation européenne CLP qui a trait à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances chimiques dangereuses.
Cette classification pourrait conduire à des mesures de restriction d'usage, voire d'interdiction, en premier lieu pour les travailleurs qui y sont exposés.
Si cette préconisation est suivie, la France devra porter le dossier au niveau de l'Agence européenne des produits chimiques, l'ECHA et pousser d'autres pays à suivre la même voie, alors qu'aucun autre pays n'a encore effectué une telle démarche.
Dans le même temps, l'Anses place la collectivité, industriels et consommateurs, face à ses responsabilité, en l'invitant à peser le bienfondé de la mise sur le marché des nanomatériaux, dès lors que des dangers sont identifiés, tant pour la santé humaine, que pour l'environnement.
Par ailleurs, la toxicité des nanomatériaux a été confirmée par une étude américaine et un premier cas de « nano-affection » a été rapporté sur le site de l'American Journal of Industrial Medecine, le cas d'un technicien ayant manipulé des nanoparticules de nickel à l'état de poudre, sans masque, mais avec des gants, présentant divers symptômes de congestion nasale, d'irritation de la gorge et de rougeur du visage.
L'Anses n'a certainement pas lancé sa mise en garde à la légère et il faut s'attendre à d'autres développements.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef