Un monde décarbonaté suppose l'interconnexion globale de l'énergie mondiale
Article lu 43078 fois, depuis sa publication le 01/07/2016 à 07:37:36 (longueur : 5361 caractères)
La transition énergétique est en marche partout dans le monde et à en croire les scientifiques l'objectif à atteindre est la décarbonation totale de la production d'énergie au plus tard, à la fin du 21 siècle, afin de limiter le réchauffement atmosphérique en dessous de 2 degrés, voire à 1,5 degré.
C'est l'objectif officiel de l'accord de Paris, voté à l'unanimité par la COP 21, en cours de signature et de ratification.
Même si les engagements des signataires de l'accord de Paris ne permettent pas encore d'atteindre cet objectif, par cet accord ils ont prévu les modalités qui leur permettront de rectifier le tir, en sachant que c'est le sort de la vie sur Terre qui est en cause et qu'il faudra le concours de tous, du plus petit au plus grand pour y arriver.
Il faut regarder la vérité en face, nous sommes sur une trajectoire de réchauffement de 3 degrés, loin des objectifs à atteindre et le temps presse pour inverser la tendance et on peut se demander si c'est encore possible.
Une chose est certaine, il va falloir réduire progressivement à zéro la production, le transport, la distribution et l'utilisation des énergies fossiles, que sont le charbon et les hydrocarbures conventionnels ou non et ce quels que soient les intérêts financiers, les capitaux engagés et leur niveau d'amortissement.
La réduction au recours des énergies fossiles ne pourra se faire qu'en y substituant, pour la production d'électricité, des énergies renouvelables et, à titre transitoire, entant que nécessaire, l'énergie nucléaire, sur ce dernier point, c'est un débat qui est loin d'être clos.
La question qui se pose est de savoir, comment cette énergie va être produite et comment elle sera utilisée, comment elle circulera, pour être disponible en quantité suffisante, partout dans le monde.
La transition énergétique que cela implique suppose la transformation des outils industriels, des moyens de transport, des engins utilisant des combustibles fossiles, en utilisateurs d'électricité, ce qui est loin d'être évident, dans bon nombre de domaines, notamment dans l'aviation.
Cela ouvrira la voie à de nouvelles inventions, dont on ne soupçonne pas encore l'existence, autant de terres vierges, notamment dans le domaine de la production et stockage de l'énergie, car il n'y a pas que le soleil et le vent pour produire de l'énergie.
Malheureusement, on s'est trop longtemps focalisés sur les énergies fossiles, disponibles dans les entrailles de la Terre, dont on savait pourtant qu'elles seront épuisées demain.
Un problème qui a été évoqué est celui des réseaux électriques où s'opposent deux théories, liées à la production d'électricité.
L'essayiste américain Jeremy Rifkin rêve d'une planète où des centaines de millions de personnes produiront leur propre énergie renouvelable à la maison, au bureau, à l'usine et partageront l'électricité verte sur un internet de l'énergie, qu'il qualifie « la nouvelle société du coût marginal zéro ».
Ce projet vise à supprimer les transports classiques d'énergie pour faire de l'électricité décarbonée le moteur essentiel de l'économie mondiale d'ici à 2050.
Un autre projet industriel, grandiose, porté par la Chine, est diamétralement opposé à celui de Jeremy Rifkin.
Il est porté par SGCC, la firme d'Etat en charge du réseau électrique chinois, aujourd'hui le plus important réseau mondial, propose de bâtir l'interconnexion de l'énergie mondiale.
Ce projet vaut ce qu'il vaut, mais il a le mérite d'exister.
Le potentiel d'énergie solaire serait massivement capté tout autour de la ceinture tropicale, tandis que des myriades d'éoliennes géantes seraient implantées aux confins du cercle polaire arctique, tout en étant associé à des réseaux locaux chargés de gérer l'équilibre entre consommation et sources intermittentes de production.
L'investissement envisagé pour connecter la production d'électricité de l'ensemble de la planète et en particulier l'Asie et l'Europe serait de 13 000 milliards de dollars d'ici 2050, inclurait la mise en place de très larges capacités de stockages, afin de remédier à l'absence de vent ou de soleil.
Bien entendu, il existe une voie médiane entre le projet ruskinien et la solution globale chinoise, notamment en Europe.
L'Europe devra se doter d'une vraie politique industrielle commune autour des réseaux électriques existants, pour mieux aborder ensemble l'arrivée des énergies renouvelables par les réseaux de distribution, en prévision d'une éventuelle intégration dans un réseau mondial, pour lui garantir la pérennité son approvisionnement.
Pour éviter la « fracture électrique » les 28 membres de la Communauté doivent travailler ensemble sur la recherche, et développement et la normalisation, pour faire de l'Europe un leader des réseaux intelligents et relier, dans un premier temps entre eux les différents territoires engagés dans la transition énergétique.
Le même problème se pose en France, à son échelle, où nous aurons des régions productrices d'énergies renouvelables excédentaires et les villes-métropoles, qui n'atteindront jamais l'autosuffisance énergétique.
Le fait d'être relié à un réseau européen, lui-même relié un réseau mondial permet des échanges et est une garantie d'approvisionner, une sorte de réassurance.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef