Le changement climatique appelle à une action immédiate pour la santé
Article lu 32743 fois, depuis sa publication le 10/07/2015 à 07:40:13 (longueur : 4733 caractères)
Ne nous méprenons pas, il ne s'agit pas ici de traiter de la lutte contre le changement climatique, qui est déjà perceptible et malheureusement inévitable, mais de faire prendre les mesures qui seront indispensables pour en réduire les conséquences pour les populations et pour leur rendre les conditions de vie qui en découleront, plus supportables, notamment pour la préservation de leur santé.
La tache risque d'être immense, si l'on pense à la canicule que nous avons connue en France en 2003 et celle, plus sévères qui ont déjà frappé en cette saison l'Inde puis le Pakistan.
En 2003, en France, on n'y était pas préparé, d'où les 15 000 morts, ce qui ne devrait plus, logiquement, pouvoir se produire.
Souvenons-nous du ministre de la Santé de l'époque, qui affirmait depuis sa résidence d'été, en polo, au frais à la campagne, qu'il n'y avait pas de quoi s'en faire, que la situation était sous contrôle, au moment où il fallait faire venir des camions réfrigérés, pour stocker les cadavres, faute de pouvoir les enterrer, car il y en avait trop.
La sonnette d'alarme vient d'être agitée par un second rapport de la Commission du Lancet sur la santé et le changement climatique, après, celui déjà publié en 2009.
Mis en ligne mardi 23 juin sur le site de l'hebdomadaire médical britannique, le document a été rédigé par une équipe universitaire multidisciplinaire européenne et chinoise et s'inscrit dans le cadre d'une collaboration entre The Lancet et l'University College of London.
Le constat et la nécessité d'agir sont partagés en France par Agnès Lefranc, directrice du département santé environnement de l'Institut national de veille sanitaire, l'InVS, qui insiste sur l'adaptation aux effets des changements climatiques déjà constatés.
Pour elle, nous avons déjà émis beaucoup trop de gaz à effet de serre. Cela aura un impact sur la santé des populations, alors que nous ne pouvons pas revenir en arrière.
En diminuant les émissions de gaz à effet de serre, la promotion de combustibles propres pour le chauffage et la cuisine on diminue la pollution de l'air intérieur, qui joue un rôle important dans le domaine de la santé.
C'est également le cas des autres polluants dangereux pour la santé, comme les particules fines et les oxydes d'azote, éliminés en même temps, au titre des cobénéfices de la prise de bonnes décisions, en matière de chauffage et de circulation.
Le rapport se fait, bien entendu, l'écho de la dimension économique des conséquences du changement climatique pour justifier les flux monétaires qui en découleraient et auxquels la collectivité internationale sera confrontée, avant la fin de l'année, à la COP 21.
L'Union européenne a évalué à 1 400 milliards d'euros, le coût annuel global de la pollution de l'air extérieur et, pour être plus précis, elle chiffre à 38 milliards par an, d'ici 2050 le bénéfice de la réduction de la mortalité, pour sa seule zone, précise le rapport du Lancet.
Pour Nick Watts de l'Institut for Global Health, l'un des coordinateurs du rapport, la promotion des transports actifs, la marche et le vélo réduirait la fréquence de l'obésité et du diabète et le développement des espaces verts aurait des effets bénéfiques sur la santé morale.
Il est vrai, qu'en perdant quelques kilos, on ressent moins la canicule.
Il ajoute que si certains bénéfices directs ou bénéfices secondaires mettront du temps à être ressentis, l'impact positif sur les maladies cardiovasculaires qu'auraient ces mesures comme l'élimination progressive du charbon du bouquet énergétique serait éprouvé beaucoup plus rapidement.
Le rapport de la commission du Lancet reproduit un graphique tiré d'une étude de Pew Researche Center en 2013, sur les perceptions de l'ampleur de la menace que représente le changement climatique dans 39 pays.
On y voit la forte prise de conscience dans les différentes régions du monde, mais aussi la sous-estimation présente aux Etats-Unis où les climatoscepticismes comptent beaucoup de tenants et de puissants soutiens financiers, au risque de faire échouer la COP 21, comme ils en ont la volonté.
L'éditorial du Lancet qui accompagne ce rapport, presse les dirigeants du monde de passer à l'action en rappellant qu'en 2014, pour la sixième année consécutive, l'économie mondiale n'a pas atteint les objectifs fixés de réduction des émissions de carbone nécessaires à limiter le réchauffement planétaire à 2 degrés.
C'est d'autant plus dommageable, pour la vie sur Terre, que l'objectif de 2 degrés n'est plus en phase avec la situation réelle et qu'il faut viser désormais un maximum de réchauffement de 1,5 degré, sans savoir si c'est réalisable et au prix de quels sacrifices.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef