Le nucléaire français est à la recherche d'un second souffle
Article lu 48463 fois, depuis sa publication le 10/06/2016 à 07:36:39 (longueur : 5102 caractères)
Le nucléaire français fournit actuellement 75 % de l'électricité consommée dans le pays, à un prix compétitif, même si les ménages supportent des taxes et des prélèvements sans rapport avec son coût réel, perçus par l'Etat, sous divers prétextes, pour alléger son déficit budgétaire, en transférant des dépenses, comme dans d'autres domaines, sur les consommateurs.
Le nucléaire nous assure une relative indépendance que n'ont pas les pays dépendant du charbon, du pétrole et du gaz, qui ont massivement recours au charbon pour leur production d'électricité.
Or, la production d'électricité dans des centrales thermiques au charbon est incompatible, à cause de la pollution qu'elle dégage, avec les objectifs du traité de Paris de limitation du réchauffement atmosphérique, que tous les pays finiront par devoir respecter, pour la protection de notre planète.
Pendant ce temps, partout dans le monde, y compris en France, les énergies renouvelables gagnent du terrain en bénéficiant des technologies modernes.
Nous connaissons les limites de la production hydraulique terrestre, l'énergie renouvelable la plus ancienne, que la France exploite avec bonheur depuis des décennies et qui, selon les saisons, permettent de produire entre 10 % et 15 % de nos besoins d'électricité, mais sans nouvelles perspectives de développement, si non à la marge.
L'esprit ne se prête plus en France à noyer des vallées pour édifier de nouveaux barrages, comme on pouvait l'envisager dans le passé.
Les perspectives de développement des énergies renouvelables sur le sol français étant ce qu'elles sont, avec tous les obstacles que l'on sait, le vrai problème est celui des énergies intermittentes qui ne sera résolu que le jour où l'on sera en mesure de stocker pour de bon de l'électricité, mais on n'en est pas encore là.
Il reste à explorer et à exploiter l'éolien en mer et l'hydraulique marin qui offriront, le moment venu des perspectives considérables, une fois résolut les problèmes techniques et avoir planifié leur financement.
Entre-temps, il faut s'arranger pour faire la soudure grâce au nucléaire, sans avoir besoin, comme les autres pays à recourir aux centrales thermiques en permettant à la France de se satisfaire à terme d'un socle de 50 % d'électricité nucléaire, contre 75 % aujourd'hui, en donnant au nucléaire un second souffle, malgré un consensus dégradé.
Dans l'immédiat, peu importe la volonté politique de sortir du nucléaire, la seule fermeture de deux réacteurs de Fessenheim est subordonnée à la mise en service de l'EPR de Flamanville, de plus en plus hypothétique et prévu au mieux, sauf abandon, en 2018.
D'ailleurs, à propos de Fessenheim, Ségolène Royal a créé un casus belli avec EDF en lui proposant, à titre d'indemnité pour l'arrêt anticipé des deux réacteurs, une indemnité comprise entre 80 et 100 millions d'euros, pour une perte d'EDF estimée, selon les calculs, entre 2 et 4 milliards d'euros.
Cette offre, qui émane de l'actionnaire principal d'EDF est incompréhensible, au moment où le groupe doit lancer un programme de mise à niveau de son parc nucléaire, pour en porter la durée d'exploitation de 40 à 60 ans, pour un budget estimé à 50 milliards, tout en provisionnant le démantèlement des réacteurs, qui arriveront fatalement en fin de vie.
Certes, les énergies renouvelables gagnent régulièrement en compétitive mais ce sont des énergies intermittentes auxquelles il faut pouvoir suppléer, en France par le nucléaire.
Pour y parvenir, il va falloir rétablir un consensus en sachant qu'une majorité de Français n'est pas favorable à sortir du nucléaire, qui a été de longues années sa fierté.
Aujourd'hui, les coûts du nucléaire s'envolent, depuis la catastrophe de Fukushima, notamment du fait de la multiplication des exigences de sûreté
qui font flambant les dépenses de maintenance, d'où la fin du nucléaire français bon marché.
Il faut financer une remise à niveau, de plus en plus coûteuse pour obtenir l'accord de l'Autorité de sûreté nucléaire à la prolongation d'exploitation souhaitée en sachant, exemple à l'appui, que le nucléaire de la nouvelle génération sera très coûteux.
On le voit avec la dérive du budget de l'EPR d'Oikiluoto en Finlande où l'on se demande si la France, avec Areva et EDF a un savoir-faire suffisant pour réaliser des chantiers de cette importance.
EDF avait la possibilité de se repositionner à l'occasion de la construction de l'EPR de Flamanville dans la Manche, dont le budget a explosé et dont les retards, imputés à des malfaçons s'accumulent.
Si la cuve du réacteur, suite à d'ultimes tests devait être abandonnée, il n'est pas certain que la construction de ce réacteur ira à son terme.
Cela signifierait la fin d'Areva et une lourde charge financière pour l'Etat.
De toutes les manières, tout le programme serait à revoir le moment venu, car pour ramener la part du nucléaire de 75 % à 50 % en 2025, en plus de ceux de Fessenheim, plusieurs autres réacteurs, amortis ou non, devront être fermés.
Erik Kauf
Rédacteur en Chef